Avis sur le livre : Platine
Le lecteur connaît au moins de réputation le destin tragique et sulfureux de Jean Harlow (1911-1937), première héroïne du cinéma parlant à prendre valeur de sex-symbol. Mais ce n’est pas tant l’histoire de « la Bombe » Harlow que raconte Régine Detambel, dans Platine, que celle d’un corps, celui d’une jolie fille de Kansas City pourvue d’une « chevelure d’ange joaillier » et d’une paire de seins légendaire. Une fois propulsée en haut de l’affiche par Howard Hughes avec Les Anges de l’enfer (1930), son image et donc son corps doivent répondre aux diktats des nouveaux nababs du cinéma, en l’occurrence Louis B. Mayer. Celle qui a fait rêver d’innombrables jeunes Américains y perd son peu d’autonomie. Quant à l’un des rares choix qu’elle fit au risque de mécontenter Mayer, ce fut une erreur monumentale : elle sortit couverte de bleus, pour n’avoir pas compati en découvrant l’impuissance physiologique, lors de leur nuit de noces, du scénariste Paul Bern, qui devait se suicider quelques jours après cette crise de fureur. Depuis son premier roman, L’Amputation (Julliard, 1989), Régine Detambel a abordé les sujets les plus divers. Ce qui demeure néanmoins constant dans son œuvre, c’est son rapport physique aux affects : à ce qui affecte le corps. En l’occurrence, le corps lumineux d’une femme dépossédée d’elle-même et donc de tout – sauf de la douleur, que les êtres humains ont en partage, comme y insiste Platine.
Bertrand Leclair, Le Monde