Retour de service

Auteur : John Le Carré
Editeur : Seuil
Sélection Rue des Livres

À quarante-sept ans, Nat, vétéran des services de renseignement britanniques, est de retour à Londres auprès de Prue, son épouse et alliée inconditionnelle. Il pressent que ses jours comme agent de terrain sont comptés. Mais avec la menace grandissante venue de Moscou, le Service lui offre une dernière mission : diriger le Refuge, une sous-station du département Russie où végète une clique d'espions décatis. À l'exception de Florence, jeune et brillante recrue, qui surveille de près les agissements suspects d'un oligarque ukrainien.
Nat n'est pas seulement un agent secret. C'est aussi un joueur de badminton passionné. Tous les lundis soir dans son club il affronte un certain Ed, grand gaillard déconcertant et impétueux, qui a la moitié de son âge. Ed déteste le Brexit, déteste Trump et déteste son travail obscur. Et c'est Ed, le plus inattendu de tous, qui mû par la colère et l'urgence va déclencher un mécanisme irréversible et entraîner avec lui Prue, Florence et Nat dans un piège infernal.
Avec Retour de service, John le Carré, en éminent chroniqueur de notre époque, livre un portrait du monde que nous habitons, glaçant, délicatement satirique et porté de bout en bout par une tension constante.

22,00 €
Parution : Mai 2020
336 pages
ISBN : 978-2-0214-3319-7
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La presse en parle

Excellant à percer l’esprit de l’époque, le Carré parle non sans mélancolie de stratégie et de géopolitique dans un monde déboussolé, sans rêve ni horizon.
Florence Noiville, Le Monde

Extrait

Notre rencontre n’a été arrangée par personne. Ni par moi, ni par Ed, ni par des manipulateurs en coulisse. Je n’avais pas été ciblé. Ed n’avait pas été téléguidé. Nous n’avions fait l’objet d’aucune surveillance, discrète ou visible. Il m’a lancé un défi sportif, je l’ai accepté, nous avons joué. Rien de calculé là-dedans, pas de conspiration, pas de collusion. Certains événements de ma vie (rares ces temps-ci, je le reconnais) sont univoques. Notre rencontre en fait partie. Mon récit n’a jamais varié au fil des nombreuses occasions où on m’a obligé à le répéter.
C’est un samedi soir à l’Athleticus Club de Battersea, dont je suis le secrétaire à titre purement honorifique. Je suis assis sur un transat matelassé près de la piscine intérieure. Sous le haut plafond des immenses locaux que nous occupons dans une ancienne brasserie, la piscine se situe à une extrémité et le bar à l’autre, reliés par un couloir qui dessert les vestiaires et les douches genrés.
Faisant face à la piscine, je suis de biais par rapport au bar, derrière lequel se situent l’accès au club, le vestibule puis la porte donnant sur la rue. Mon emplacement ne me permet donc pas de voir qui entre dans les lieux ni qui se trouve dans le vestibule à lire les affiches, réserver un court ou s’inscrire pour le tournoi échelle. Le bar est très animé. De jeunes demoiselles et leurs chevaliers servants discutent entre deux plongeons.

Je suis en tenue de badminton, short, sweatshirt et nouvelle paire de tennis montantes achetée en raison d’une douleur tenace à la cheville gauche qui me gêne depuis une randonnée dans les forêts estoniennes voilà un mois. Après une longue série d’opérations à l’étranger, je savoure cette permission bien méritée en m’employant à ignorer le nuage qui plane sur ma vie professionnelle : ma mise au rebut prévisible ce lundi. Je me répète en boucle : Eh bien soit, j’entame ma quarante-septième année, j’ai eu un beau parcours, je savais que cela finirait ainsi, alors pas de regrets.
J’en apprécie d’autant plus le réconfort que me procure la confirmation de mon statut de champion de l’Athleticus, malgré mon âge avancé et ma cheville endolorie, titre conservé le samedi précédent face à des adversaires bien plus jeunes. Les tournois en simple sont réputés être le pré carré des vingtenaires au pied agile, mais jusqu’ici j’ai réussi à maintenir mon rang. Aujourd’hui, selon la tradition en vigueur, j’ai disputé (et remporté) un match amical contre le champion de notre club rival de l’autre côté de la Tamise, à Chelsea. Et il est assis avec moi après notre duel, bière à la main, ce jeune avocat indien prometteur et athlétique qui m’a mis en difficulté jusqu’aux tout derniers points, quand l’expérience et un peu de chance m’ont permis de renverser la vapeur. Peut-être ces quelques éléments expliquent-ils en partie mes dispositions charitables au moment où Ed m’a lancé son défi, et mon sentiment, si temporaire fût-il, qu’il peut y avoir une vie après la fin de carrière.

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