Annette, une épopée
Il y aurait donc encore des héroïnes, des vraies ? Et on peut les croiser dans la rue, leur parler, les connaître ?
Près de Dieulefit, dans la Drôme, vit Anne Beaumanoir, dite Annette, un petit bout de femme presque centenaire, aux yeux lumineux et à la parole vive. Entrée dans la Résistance communiste à dix-neuf ans, elle en enfreint les règles en prenant l'initiative de sauver deux adolescents juifs. Elle lutte à Rennes, à Paris, à Lyon ; elle participe à la libération de Marseille. Puis, après un bref intermède de vie bourgeoise - études de médecine, mariage, enfants -, elle s'engage pour l'indépendance de l'Algérie, ce qui lui vaut une condamnation à dix ans de prison. Une évasion rocambolesque lui permet de gagner la Tunisie, puis l'Algérie où elle participe au premier gouvernement indépendant sous Ben Bella, avant d'être obligée de fuir à nouveau, au moment du coup d'État de Boumédiène.
Voilà sa vie, en quelques lignes. Mais les méandres d'une existence héroïque, ses hauts faits et ses doutes, comment les raconter ? Ne faudrait-il pas les chanter, plutôt ? La vie d'Annette, c'est une épopée !
Vos avis
Anne Beaumanoir, dite Annette, est une jeune femme au parcours atypique, sinueux et riche en rebondissements de toute nature : elle entre dans la Résistance à dix-neuf ans, sauve deux adolescents juifs au mépris de la discipline de groupe. Elle participe à des actions à Rennes, Paris et Lyon. Pour finir, elle prend part à la libération de Marseille, avant de s’engager pour l’indépendance de l’Algérie, pays qu’elle rejoint lors de l’indépendance en 1962. Elle participe au premier gouvernement de Ben Bella avant de fuir lors du coup d’Etat de Boumédiène en 1965.
Ce destin, Anne Weber a pris le parti de le restituer au lecteur de son roman sous la forme d’une radiographie en direct du comportement d’Annette, de la dissection de ses motivations. Ainsi, de la définition de l’acte de résister : « Car résister résulte, comme la plupart des choses qu’on fait, non pas d’une décision qu’on prend une fois pour toutes mais d’un glissement pour ainsi dire imperceptible, progressif, vers quelque chose dont on n’a pas encore idée. »
Toutes les étapes de sa vie sont remises par l’auteure en perspective, reliées aux circonstances, à la notion de devoir, d’impératif. Fréquemment, Anne Weber apostrophe son héroïne, la morigène, l’apostrophe, tout en lui témoignant au final une sympathie complice et chaleureuse. A propos de son propre enfant, Annette doit choisir : « Il sera perdu ou sacrifié puisqu’il y a un temps pour tout, un temps pour avoir des enfants, un temps pour résister ; les deux ne peuvent se concilier. »
Enfin, la dernière partie de son parcours, son séjour en Algérie, engendre de grosses déceptions : Après les espoirs démesurés, les découvertes cruelles : on torture aussi dans l’Algérie indépendante, l’indépendance ne profite pas aux femmes ;l’auteure interroge encore Annette sur les justifications de son engagement et semble lui donner quitus : « Mais ce n’est pas pour ces gens-là, ces gens précis ,nous diras-tu, mais pour faire avancer une cause et des principes qui sont l’égalité et la justice, c’est pour une fin, et cette fin-là, il n’y a rien à y redire, Annette ! »
Ce roman apparaît alors comme un remède contre le cynisme, un hommage à l’ironie bienveillante mais toujours interrogative déployée par Anne Weber.
STEPHANE BRET