De la mort sans exagérer: Poèmes 1957-2009
Quand le prix Nobel fut décerné en 1996, le nom de Wislawa Szymborska n'était pas, c'est le moins que l'on puisse dire, très familier aux lecteurs de poésie, excepté dans sa Pologne natale. Cette reconnaissance soudaine était à la fois surprenante et justifiée. Surprenante car Szymborska s'était toujours tenue résolument à l'écart de toute scène publique ou médiatique, mais justifiée tant son oeuvre apparaissait singulière, sans équivalent, réussissant le rare prodige d'user d'une écriture sans obscurités ni affèteries formelles alors qu'elle convoquait et développait les thèmes les plus vertigineusement philosophiques et métaphysiques. Autre remarquable caractéristique : aucune pesanteur, une ironie souvent désinvolte, un sens du tragique traduit en quasi plaisanterie, ce que révèle excellemment le titre de cette anthologie :
De la mort sans exagérer . Il y a chez Wislawa Szymborska une sorte de désenchantement heureux ou de bonheur sans illusion qui, loin de bannir les grands questionnements, ne cesse de les jeter au vif de la vie quotidienne. En cela, elle s'impose comme la grande perturbatrice des réflexes de pensées, des normes et des habitudes. Avec un art constant du clin d'oeil qui, d'un même mouvement, rassure et trouble profondément :
Il n'est point de vie qui, même un court instant, ne soit immortelle.
La presse en parle
Très populaire dans sa Pologne natale, la poète Wislawa Szymborska (1923-2102) était peu connue en France lorsque le prix Nobel de littérature lui fut décerné en 1996. Sans doute parce qu’elle se voulait, à l’instar de son œuvre, « privée, intime et individuelle » – ce sont les mots de son traducteur, Piotr Kaminski. On pourrait ajouter spirituelle, ironique et, bien que profonde, jamais pesante. Il n’y a que Szymborska pour dire les « petites comédies » auxquelles nous accordons tant de prix (« Si les anges existent/ c’est peu probable qu’ils lisent/ nos romans au sujet/ de nos espoirs déçus »), l’« amour heureux » (« Est-ce bien normal/ est-ce sérieux, est-ce bien utile ? ») ou la beauté parfaite d’un oignon (« foncièrement oignonien/ oignonesque dehors/ oignoniste jusqu’au cœur »), tandis que l’homme, lui, n’est que « nerfs, graisses et veines/ mucus et sécrétions ». Entre le métaphysique et le concret, Szymborska danse sur un fil. Sans s’apitoyer. Parce que « la vie suit son cours/ à Cannes, à Borodino/ à Kosovo Pale et à Guernica ». Parce qu’« Il y a tellement de Tout/ que le Rien est à peine perceptible ». Et parce que « ce qui coule vraiment, c’est le sang qui sèche vite/ et toujours des rivières çà et là, des nuages ». Fl. N.
Le Monde