Le Cherokee

Auteur : Richard Morgiève
Editeur : Gallimard

1954, USA : alors qu 'il fait sa tournée de nuit à la première neige, sur les hauts plateaux désertiques du comté de Garfield, dans l'Utah, le shérif Nick Corey découvre une voiture abandonnée. Au même moment, il voit atterrir un chasseur Sabre, sans aucune lumière. Et sans pilote. C'est le branle-bas de combat. L'armée et le FBI sont sur les dents. Quant à Corey, il se retrouve confronté à son propre passé : le tueur en série qui a assassiné ses parents et gâché sa vie réapparaît. Corey se lance à sa poursuite. Mais les cauchemars ont la dent dure... Et on peut tomber amoureux d'un agent du FBI.

8,00 €
Parution : Octobre 2020
Format: Poche
496 pages
Collection: Folio policier
ISBN : 978-2-0728-8319-4
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Extrait

26 septembre 1954
La nuit était blanche jusqu’au ciel, c’était la première neige, le début de l’automne. Corey rentrait à Panguitch, chef-lieu du comté de Garfield, mille âmes à peu près vivantes et pas mal de fantômes. Les montagnes lointaines et une forêt sans fin fermaient l’horizon à gauche – et devant, derrière, à droite, le plateau se répandait comme un type qui aurait bu sans soif. Un désert à deux mille mètres d’altitude. Il y avait si peu de citoyens dans le comté de Garfield qu’il n’y avait pas de crimes, parfois un bonhomme se suicidait. Toujours d’une balle dans la tête et toujours avec du gros calibre si bien qu’on les enterrait sans tête.
La radio a grésillé, c’était le standard de la police de Provo – à deux cents miles de là. Panguitch ne pouvait pas se payer de standard de nuit, seulement un shérif au rabais dans sa jeep Willys en provenance des stocks de l’armée. Le comté fourmillait de pistes la plupart impraticables à des véhicules normaux. Corey a pris l’appel radio. Jessie lui a dit que Lars Andersson venait d’appeler pour signaler une soucoupe volante.
C’était l’ancien maire de Panguitch, il ne buvait pas, ne fumait pas. Pas le genre à avoir des hallucinations. C’était la troisième fois de la soirée que Jessie rapportait à Corey qu’un ovni avait été aperçu : lumière rouge, puis verte, intense. Apparition d’une forme dans le ciel, à basse altitude, pas de bruit, odeur bizarre... Disparition instantanée du truc, chiens qui aboient les oreilles aplaties, canaris en transe, radios qui s’éteignent... Tous les témoignages concordaient.
— C’est quoi cette maladie qu’ils ont avec les Martiens ? a grommelé Jessie. Ils en voient, ils en voient... ils voient que ça !
— Ils forniquent pas assez, a répondu Corey, comme moi.
Jessie s’est marré et a dit qu’il y avait cent millions de cocos avec des bombes atomiques et on leur signalait des Martiens sur des balais-brosses lumineux. Depuis que Little Boy et Fat Man avaient dressé leurs glands monstrueux au-dessus d’Hiroshima et de Nagasaki, les Martiens avaient rappliqué, comme si c’était lié. L’année dernière, la police avait recensé près de vingt-trois mille déclarations d’apparitions d’ovnis. Peut-être qu’ils étaient venus en masse fêter la fin de la guerre de Corée? Va savoir avec les Martiens les idées qu’ils pouvaient avoir.
Une lueur rose frangée de rouge a coloré le ciel et la neige tandis qu’un double bang lointain ébranlait la baraque. Un satané pilote de l’US Air Force (USAF) qui avait démoli le mur du son en balançant de la grenadine par-dessus bord. Corey a consulté sa montre, c’était vingt-deux heures cinquante-sept minutes et sept secondes... Et il n’était pas au lit avec une tisane et le Reader’s Digest pour s’endormir. « La chance, ce n’était pas pour tout le monde », disait Perry, un type bien sur toutes les faces, avec un rire communicatif et un tout petit gosse qui venait de naître. Il s’était fait égorger de nuit, Perry, là-bas dans le Pacifique, quand on jouait à la guerre avec les Bridés – combien de morts des deux côtés ? Et on avait gagné quoi ?
Corey s’est garé et est sorti de la jeep équipée d’une longue antenne, il a inspecté le ciel et le reste. Tout semblait normal si tant est que ce qu’il voyait l’était – et que c’était normal de voir avec des yeux et non pas avec des tentacules ou des parapluies. Tout était OK, RAS, comme disaient les bidasses, mais rien ne l’était, rien du tout. Corey était du genre plutôt grand, maigre, et à cette heure il avait des yeux plutôt blancs – carrément bizarres, blancs, ou rétrécis et noirs. Un regard de boa qui aurait marché debout.

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