De nos ombres
Bastia, 1954 : Joseph, un garçon de douze ans, pense devenir fou quand des voix s’invitent dans sa tête… C’est le début d’un jeu de piste avec certains objets qui lui parlent et l’attirent. Secondé par Mammò, l’arrière-grand-mère sage et révérée qui prend son don comme une malédiction, Joseph se plonge corps et âme dans la résolution des mystères familiaux par l’entremise d’un anneau perdu, d’une vieille photo oubliée ou d’un disque remisé dans un grenier.
Différents narrateurs, à différentes époques, prennent en charge le récit et éclairent l’histoire d’un jour nouveau. Les thèmes du roman sont multiples. Le don et la distance qu’il implique quand il vient toucher un enfant au hasard. L’amour bien sûr, et la force des femmes. Mères, sœurs, amantes, elles s’affirment au fur et à mesure comme les véritables héroïnes du roman. Des femmes fortes, aux histoires singulières, qui s’agrègent pour n’en faire qu’une. La véritable trame du livre. Parmi ces femmes, il y a Mammò. Mammò, qui a un secret. Joseph, pour le découvrir, devra arpenter des rues où plane encore l’ombre des deux guerres.
Extrait
Bastia, septembre 2018.
Cinquante mots pour décrire l’état de la neige. Irais-je vers ces contrées polaires, mettrais-je mes pieds dans leurs bottes, mes mains dans leurs gants, coucherais-je dans leurs peaux de phoque, qu’eux et moi ne partagerions toujours pas le même univers. Ils savent les routes du grand froid, connaissent les chemins de l’hiver, quand je ne vois qu’un blizzard blanc. Sûrement ne verront-ils qu’un foutu brouillard, ceux qui me liront, que des ombres, des formes diffuses dans un vent de neige, un vent de cendres...
Chaque fois elle me ramène à un endroit perdu où elle n’a rien à faire, l’histoire que je veux écrire. Une plage, où je vois les miens attablés et qui me regardent comme s’ils attendaient de moi quelque chose. J’ai beau fermer les yeux pour les faire disparaître, quand je les rouvre, le flou de l’éblouissement passé, ils sont encore là, à m’attendre.
Cette histoire n’a rien à voir avec eux, et pourtant je reviens. Elle n’a rien à voir avec eux mais, si je m’éloigne pour la suivre, je les vois hausser les épaules, souriants mais déçus... Faut-il qu’elle passe par eux pour être racontée, qu’elle trouve à leur contact assez de vérité pour affronter la route ? Doit-elle débuter sur cette plage, par ce garçon qui me regarde? Deux histoires; deux histoires qui n’en feraient qu’une...