Les confidences
« Pour moi, une confidence, c’est une histoire que l’on garde pour soi parce qu’elle concerne tout le monde. Si elle ne concernait pas tout le monde, on n’aurait pas besoin de la garder pour soi. »
Dans un appartement meublé de deux chaises, une table et un immense philodendron, Marie Nimier recueille, les yeux bandés, des confidences. Un à un, les volontaires se livrent anonymement à de troublants aveux, souvent pour la première fois. Remords, regrets, culpabilité, mais aussi désirs, rêves et fantasmes se dévoilent. Jusqu’à ce qu’un jour, Marie perde pied. Celle que son père surnommait enfant la Reine du Silence prend finalement la parole. La dernière confidence sera la sienne.
Extrait
Pendant des mois, quand on m’a demandé ce que je faisais, j’ai répondu que je travaillais sur mon machin autour des confidences. Un jour, à force de tourner en rond, le machin a pris corps. Je suis montée dans un train avec une valise, et tout s’est accéléré.
Dès le lendemain de mon arrivée, armée d’un rouleau de scotch et d’un plan détaillé de la ville, j’ai posé des affichettes dans quelques endroits clés, le lycée et le centre d’apprentissage, le hall d’accueil du supermarché, la Maison des Associations, la médiathèque, ainsi que chez les commerçants des quartiers nord, près du canal, plus réceptifs d’après la bibliothécaire que ceux de la rue piétonne. On pouvait y lire en lettres bleues sur fond jaune le texte suivant :
Appel à confidences
Une phrase entendue dans l’enfance, un acte que l’on regrette, un bonheur volé. Une pensée qui vous tourmente ou vous fait sourire. Un rien du tout, mais qui revient, sans que vous sachiez pourquoi.
Un désir. Un remords.
Une peur qui retient votre esprit en otage...
Du 28 septembre au 16 novembre Une romancière recueille confidences, confessions et autres secrets
La rencontre se déroulera de façon parfaitement anonyme. Les témoignages serviront de base à l’élaboration de textes de fiction qui pourront être mis en scène et publiés. Les noms des personnes évoquées seront changés, les lieux rendus méconnaissables.
Pour partager une émotion, déposer un souvenir encombrant, ou simplement parce que la démarche vous intrigue, n’hésitez pas à vous inscrire. Ceux qui n’ont pas la possibilité de se déplacer sont invités à envoyer leur récit sur le site des confidences à partir du 26 septembre (voir lien ci-dessous).
En bas de la feuille rebiquaient des languettes prédécoupées où figurait l’adresse du site, dans la pure tradition des petites annonces à franges que l’on met dans l’espace public pour retrouver son chat, son chien, ou signaler une disparition.
Afin de respecter l’anonymat des participants, j’avais envisagé toutes sortes de dispositifs sophistiqués. Le plus simple s’était finalement imposé : me bander les yeux avec un tissu blanc et opaque.
Cela rendrait les choses plus abstraites. J’étais là, dans cette ville inconnue, pour recueillir des mots et les laisser résonner, comme on colle un coquillage à son oreille pour entendre la mer. Si tout se passait bien, une série de textes naîtrait de ces moments suspendus, des nouvelles peut-être, ou des monologues retranscrits de mémoire, je n’en savais pas tellement plus. L’idée de m’effacer derrière la parole des autres me soulageait, c’est ce que j’avais dit à la bibliothécaire. Elle avait souri. J’aimais bien cette femme, sa façon de plisser les yeux quand elle parlait, ses fossettes, sa gravité de lectrice passionnée.