Une éclipse
Après Retourner à la mer, Goncourt de la nouvelle en 2017, Raphaël Haroche publie un recueil de douze textes tout aussi éclatants de maîtrise.
Avec une grande finesse et un sens de l'absurde comme du tragique, il a l'art d'explorer l'âme humaine dans ses minuscules défauts. Qu'il s'agisse d'un couple qui se défait, d'un enfant à qui on a volé l'insouciance, d'un joueur de tennis ayant abdiqué ses ambitions de jeunesse ou d'une femme invisible aux yeux de la société, tous ses personnages semblent impuissants face aux dégâts du quotidien et du temps qui va. Mais les thèmes les plus graves vont de pair avec une célébration de la nature, du bonheur fugitif de vivre et d'une tendresse cachée parfois là où on ne l'attendait pas. Cette galerie de personnages en situation de crise est donc avant tout une vision sensible de notre monde, un monde incertain où la réalité prend souvent l'aspect d'un rêve éveillé.
La presse en parle
L’attribution du prix Goncourt de la nouvelle à son premier recueil, Retourner à la mer (Gallimard, 2017), saluait un art vif et douloureux de l’« écorchure ». Ici encore, l’attention est portée sur un enfant dont l’innocence est menacée, sur une vieille nourrice abandonnée, sur un architecte au passé trouble, émigré en Uruguay. Mais c’est avec un humour tendre et noir que s’imposent deux petits chefs-d’œuvre : l’accident mortel d’un plombier incompétent et hypocondriaque, et l’euthanasie programmée du vieux chien du couple, doux témoin nommé Bowie. L’ultime nouvelle, « Coda », transcrivant un entretien fictif avec des lecteurs dans un hôpital de jour, donne avec brio des réponses aux questions que l’on pourrait poser au nouvelliste sur son implication et son refus des certitudes.
Monique Petillon, Le Monde