Le Flambeur de la Caspienne
Le pays : un rêve... Habitué aux destinations calamiteuses, Aurel Timescu, le petit Consul, est pour une fois affecté dans un lieu enchanteur. Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan ex-soviétique, est une ville pleine de charme au climat doux, au luxe élégant. A la terrasse de cafés d'allure parisienne, on y déguste un petit blanc local très savoureux. L'ambassade : un cauchemar.
Le chef de poste, autoritaire et brutal, est bien décidé à se débarrasser d'Aurel. Le fantôme de sa femme, récemment victime d'un tragique et mystérieux accident, plane au-dessus de l'ambassade. Et l'équipe diplomatique, tétanisée par le deuil, est livrée à la crainte et au soupçon. Il n'en faut pas plus pour qu'Aurel se lance dans une enquête plus folle que jamais.
Basée sur de fragiles intuitions, elle prendra, entre mafias locales et grands contrats internationaux, l'ampleur d'une affaire d'Etat. Cette fois, Aurel ne lutte pas seulement pour faire triompher la justice. Il se bat pour une cause nouvelle et inattendue : rester là où il est et connaître enfin le bonheur.
Extrait
Tout était trop parfait et Aurel, habitué à la méchanceté des hommes, n’osait pas croire à son bonheur.
Il était arrivé la veille au soir pour prendre son nouveau poste et voilà que ce matin, il était attablé à la terrasse d’un café, un vrai café tout pareil à ceux de France ou d’Italie, avec son store rouge, ses chaises en osier, ses tables rondes à pied en fonte. Dans une tasse en porcelaine épaisse moussait un double crème tandis que de l’intérieur de l’établissement venaient de bonnes odeurs d’arabica moulu et de viennoiseries. Des serveurs en tablier blanc et gilet à poches bavardaient avec des airs insolents. Les grands arbres d’un joli square bruissaient dans le vent tiède et, au loin, on apercevait la colonnade néoclassique du théâtre des marionnettes.
Aurel, incrédule, secouait la tête et se répétait mentalement : « Non, je ne suis pas à Paris. Cette ville s’appelle Bakou ; c’est la capitale de l’Azerbaïdjan, et moi, Aurel Timescu, consul adjoint, je suis affecté ici pour trois ans selon toutes les procédures régulières. »
Le dénommé Prache, son persécuteur au service des ressources humaines, l’avait convoqué en personne au Quai d’Orsay pour lui annoncer méchamment la nouvelle. Faute de pouvoir débarquer Aurel car il était titulaire, Prache espérait le dégoûter en lui faisant enchaîner les postes minables dans des pays où personne ne voulait aller. Il choisissait toujours pour lui des capitales brûlées par le soleil (Aurel détestait la chaleur), si possible dans des pays musulmans (il n’était pas réputé pour son abstinence) et sous des régimes totalitaires (il avait fui sa Roumanie natale pour échapper à Ceausescu et gardait une solide aversion pour la dictature).
Sur le papier, l’Azerbaïdjan semblait convenir à ce dessein pervers. En lui annonçant son affectation, Prache s’était payé le luxe de détailler le tableau.
— Il paraît que c’est un pouvoir policier comme vous les aimez. Avec culte de la personnalité et tout et tout...
Aurel avait secoué la tête en souriant, pour ne pas perdre la face.
— Vous allez apprécier, j’en suis sûr. Écoutez ça : islam religion d’État, latitude tropicale, climat désertique. Le pays est coincé entre la Russie et l’Iran, des voisins charmants. Au fait, j’oubliais un détail : il est en guerre, hé ! hé ! Avec l’Arménie, leur troisième voisin.