La ville dans le ciel
En orbite autour de la Terre, Ciudad de Cielo est la première marche permettant à l’humanité d’atteindre les étoiles. Décrite comme un lieu utopique où le crime n’existe pas, la station spatiale est néanmoins contrôlée par des gangs qui se livrent une guerre sans merci : prostitution, contrebande et racket sont omniprésents. Jusqu’ici, les autorités ont toujours fermé les yeux. Mais les choses vont changer : un cadavre vient d’être découvert, flottant en mille morceaux dans la microgravité de cette ville dans le ciel.
L’enquête sur ce meurtre est confiée à Nikki « Fix » Freeman. Corrompue jusqu’à la moelle, c’est peu dire qu’elle n’est pas ravie d’être chaperonnée par Alice Blake, une jeune envoyée du gouvernement terrien fraîchement arrivée sur la station et particulièrement stricte dès qu’il s’agit du règlement.
Alors que les morts s’accumulent, les masques vont finir par tomber, et les vraies raisons de ce déchaînement de violence se révéler au grand jour.
Sous les dehors d’une enquête policière rondement menée, Chris Brookmyre explore dans ce face-à-face magistral entre deux femmes, et deux mondes, que tout oppose, les aspects les plus sombres de notre monde contemporain. Saluons l’entrée remarquée, et réussie, d’un grand nom du polar écossais dans la science-fiction.
Extrait
Montage partiel requis
« La conscience n’existe pas », dit Mehmet.
Jenna vient de rattraper son collègue de laboratoire dans le conduit principal du deuxième niveau de l’Axe; ses yeux trahissent le fait qu’il n’est pas pleinement concentré sur son environnement immédiat. Il est en train de lire quelque chose sur ses lentilles.
«Quelle pensée profonde d’aussi bon matin... rétorque Jenna en guise de bonjour.
— Non, c’est l’intitulé de la conférence que Maria Gonçalves donne aujourd’hui. J’aurais vraiment aimé y assister.
— Tu la regarderas après ton boulot. Et puis bon, tu en as déjà visionné une bonne centaine. Qu’est-ce que celle-là a de spécial ?
— La voir en direct, je veux dire. Elle la donne en chair et en os. »
D’accord... Jenna comprend, maintenant.
« Vraiment ? Ouah ! Tu te rappelles la dernière fois que c’est arrivé ?
— Je devais encore porter des couches, j’imagine.
— Merde. Tu n’as trouvé personne pour te remplacer ? » Mehmet la fusille du regard. « Et pourquoi crois-tu que je sois là, à ton avis ?
— Seuls les meilleurs d’entre nous parviennent à obtenir des billets, c’est ça ?
— Des billets ? Tu plaisantes. C’est uniquement sur invitation. Mais il y a quand même du positif : je connais la date de livraison de mon nouveau filet Gen-4. Dans quatre semaines précisément.
— Félicitations. Moi, je ne suis même pas sur la liste d’attente officielle. Je suis sur la liste d’attente de la liste d’attente.
— Comment ça se fait ?
— Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. J’ai traîné des pieds, persuadée que ça ne ferait pas une grande différence – mais en réalité ça a l’air génial, à en croire tous ceux chez qui il a été implanté.
—Et comment! renchérit Mehmet, enthousiaste. J’en discutais avec Javier la semaine dernière. Il a le sien depuis un mois. D’après lui, c’est le jour et la nuit au niveau de la récupération de données. C’est comme si tu connaissais instantanément l’information.
— Ouais, j’ai entendu dire qu’il y avait beaucoup moins d’effet filigrane. On n’a plus l’impression de regarder la feuille de travail de son voisin par-dessus son épaule. Mais bon, je vais devoir attendre un moment pour en faire l’expérience, j’imagine. »
Ils atteignent une intersection hexagonale; tous deux changent de direction d’un petit geste expert en tirant légèrement sur une poignée. Le protocole officiel stipule que les membres du personnel sont censés marquer un arrêt avant de poursuivre leur route, mais il n’y a personne d’autre à percuter dans le coin. C’est ce que Jenna adore, avec l’Axe. On peut y travailler en paix. L’endroit reste pratiquement désert en permanence – contrairement aux Roues.
« Le retard m’a tout l’air d’être un thème récurrent chez toi en ce moment, dit Mehmet. J’ai cru que j’allais me retrouver tout seul, aujourd’hui.