Un été exceptionnel
Quand Alma apprend la maladie de son fils, le temps s’arrête, son existence entière bascule. Elle essaie de faire face et navigue à vue entre la froideur des couloirs d’hôpitaux et l’ardeur des beaux jours. Au-dehors, l’été bat son plein et la vie continue, malgré tout. Alma se réfugie dans la petite maison rouge près du lac. Entourée d’une nature omniprésente, tantôt brutale, tantôt réconfortante, elle tente de trouver un exutoire à sa colère, un apaisement à sa peine, un sens à ce qui n’en a pas.
Voyage émotionnel dans le cœur d’une femme, cet été exceptionnel, au-delà de tout autre, est avant tout un roman d’espoir, vivant, essentiel.
Extrait
Comme tous les étés, la petite maison rouge attend patiemment dans le vent tiède et le frémissement des herbes hautes qu’on vienne la faire vivre. C’est une petite maison lambrissée et peinte en rouge, un rouge terreux, mat et métallique. Les encadrements des fenêtres et de la porte d’entrée sont délimités d’un blanc qui contraste avec le reflet noir des carreaux. Elle n’est pas très haute, on devine à peine qu’il y a deux étages. Le vieux toit de tuiles lui donne un petit air penché. Devant la porte, une terrasse en bois usé se décline en trois marches et atterrit dans l’herbe. Contre le mur, abritée du vent, une méridienne débordant de coussins invite à la paresse et à la contemplation. Dans l’herbe, sous le grand hêtre, quelques chaises et une vieille table en fer semblent attendre que l’on vienne s’y asseoir. Une palissade à l’ancienne rythme à intervalles réguliers le périmètre du petit jardin courant autour de la maison. Étendue sur le granit, la végétation est restée sauvage, née de la rocaille, sans aucun besoin d’entretien. Par endroits, la mousse couvre en plaques vertes et fraîches les rondeurs de la pierre. Le roc s’étire puis cède la place à une herbe folle. Plus loin, entre les marguerites, les lupins mauves et le fusain rampant, quelques fraisiers des bois se multiplient en touffes éparses. Trois ou quatre framboisiers ont élu domicile derrière la maison ainsi qu’un énorme groseillier, gros bosquet de verdure rougissant sous le soleil. Après le jardinet le long de l’allée menant à la maison, peupliers trembles, bouleaux blancs et longs épicéas balancent leur soyeuse frondaison. Devant le portillon, le chemin en terre, large et caillouteux, se laisse déborder de chaque côté.
Dans la maison rouge, il y a l’eau et l’électricité, mais on se chauffe et on fait la cuisine à l’aide d’un vieux poêle à bois. Au sol, le plancher est brut, les murs ont été repeints il n’y a pas longtemps mais on sent qu’ils craignent l’humidité. Le mobilier est simple, ce sont des meubles artisanaux, certains sont peints de couleurs claires ou simplement ornés de motifs champêtres. Dans la cuisine, entourée de chaises en bois, trône une grande table patinée qui a connu d’autres siècles. Le vaisselier est rempli, verres dépareillés, assiettes de toutes tailles. L’évier de faïence est fendu. Les casseroles attendent leur heure sur leur crochet au-dessus du buffet débordant de denrées, conserves de légumes et confitures maison. Il règne dans cette pièce une douce odeur d’épices et d’ail séché. Derrière la cuisine, pour se laver, un ancien réduit a été transformé en salle de bains rudimentaire. De l’autre côté du couloir, dans le petit salon, une cheminée d’angle a noirci le mur côté fenêtre. Un canapé usé mais confortable fait face à deux fauteuils posés sur un tapis fin. Les coussins et rideaux de lin sont parés de broderies aux motifs chatoyants. Lorsque les nuits sont fraîches, on sort les plaids de laine pour se blottir dessous douillettement. Une bibliothèque plie sous le poids des livres et des jeux de société. Un escalier de bois mène à l’étage. En haut, il y a trois petites chambres mansardées, chichement meublées, et encore beaucoup de livres empilés dans tous les coins.
C’est une maison au confort sommaire, une cabane pour grands enfants venus jouer dans les herbes hautes sous le soleil estival. On y vient pour profiter des beaux jours. Elle est posée là depuis des lustres. Tout est calme, ordonné, à sa place, ni trop ni trop peu. C’est une maison qui n’a pas l’habitude d’être dérangée ni de supporter de grands bouleversements. La vie lui passe au-dessus comme un banc de nuages blancs et épais.