Le déclic créatif
Dans ce livre, le pianiste de jazz Yaron Herman défait un par un les a priori sur la créativité qui nous poussent trop souvent à la négliger. S’appuyant sur son expérience, il transmet la méthode qu’il a mise au point et appliquée jour après jour pour cultiver sa créativité. Une méthode ludique et décomplexée, assortie d’astuces faciles et concrètes pour passer à l’action.
« La créativité n’est pas réservée à quelques élus. Ce n’est pas non plus un talent, c’est une habitude, une attitude, une façon d’être que l’on peut apprendre et cultiver. La créativité nous révèle les trésors qui sommeillent en nous. Les champs de la créativité sont infinis et souvent insoupçonnés ! »
Dans ce livre, le pianiste de jazz Yaron Herman défait un par un les a priori sur la créativité qui nous poussent trop souvent à la négliger. S’appuyant sur son expérience, il transmet la méthode qu’il a mise au point et appliquée jour après jour pour cultiver sa créativité. Une méthode ludique et décomplexée, assortie d’astuces faciles et concrètes pour passer à l’action.
Vous aussi, libérez votre potentiel créatif et exprimez votre singularité.
Franco-israélien, Yaron Herman a commencé le piano à l’âge de seize ans, après s’être destiné à une carrière de basketteur. Il reçoit en 2008 la Victoire de la Musique dans la catégorie « révélation Jazz de l’année ». Avec neuf albums à son actif, il se produit sur les plus grandes scènes de Tokyo à Hambourg, et donne par ailleurs des conférences sur le processus créatif.
Extrait
« Joue ! »
– Joue !
Je suis là, devant le piano, sans savoir que faire de mes dix doigts, et ce professeur m’ordonne de jouer. Si je viens le voir, c’est justement parce que je ne sais pas jouer. D’accord, j’ai déjà touché un piano. Il y en a un dans ma salle de classe, et certains de mes camarades s’y installent parfois pour jouer de petits morceaux. Moi-même, je m’y aventure parfois pendant les pauses à essayer de les imiter. Mais là, tout de suite, jouer ?
– Écoutez… comment dire… Ça tombe mal. Je ne sais pas jouer, je suis là pour apprendre…
– M’en fiche : joue !
– D’accord. Ce sont vos oreilles qui vont souffrir !
Je me lance. Cette expérience restera comme les trente secondes les plus embarrassantes de ma vie. Du vrai n’importe quoi. Une cacophonie. Pire : une cacophonie consciente de son degré d’absurdité cacophonique.
Au bout d’un moment, je m’arrête. Je le regarde avec appréhension. Je m’attends à tout.
Après un long silence :
– As-tu des frères et sœurs ?
Quoi ? Comment ? Pourquoi cette question ?
– J’ai trois frères, pourquoi ?
– Ah… intéressant.
Nouveau silence. Il me fixe d’un regard étrange, avec ses grands yeux bleus et sa chevelure blanche, comme s’il cherchait quelque chose au fond de mon âme.
– Et tu les tapes, tes frères ?
– Euh, moi ? Ben… non. Enfin, on est quatre garçons, et je suis l’aîné, donc, forcément, il faut parfois que je fasse respecter la « loi », dis-je avec un rire nerveux. Et puis on se chamaille. Mais pour rigoler, rien de bien méchant.
– Ok, très bien.
On commence à parler de ma vie. De ma famille, de mes études, et des raisons qui m’ont amené à apprendre le piano avec lui. Le piano est toujours là, dans la pièce, mais c’est comme s’il n’existait pas. On ne s’occupe pas de lui. Pendant tout ce premier cours, je ne jouerai rien de plus que mon humiliante cacophonie.
Puis, au bout d’une heure, il me dit tout d’un coup :
– Bon, très bien, merci. À la semaine prochaine !
Quelle première leçon ! Si apprendre le piano est aussi simple, ça va être sympa !
Les cours suivants se dérouleront sur le même modèle. Nous parlerons de tout et de rien. En arrivant, je découvrirai parfois un livre posé sur le piano : La Quatrième Voie de Piotr Demianovich Ouspenskii1, un recueil de Zhuang Zhou2, ou Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc d’Eugen Herrigel3…
J’ai mis longtemps à comprendre ce que mon professeur avait derrière la tête avec ces questions. Ou avec ces livres qu’il laissait « traîner » sans rien dire. Avec beaucoup de sagesse, il voulait, d’entrée de jeu, éveiller ma curiosité et établir un lien direct entre mon histoire personnelle et le processus de création. Pour lui, la personne qui joue est aussi importante que ce qu’elle joue : la musique est le reflet du musicien. Chacun vient avec son bagage, son histoire et ses habitudes. L’enseignement doit s’adapter à son rythme, à sa sensibilité, à son écosystème personnel.
Pourquoi apprendre un instrument comme le piano ? Pour savoir jouer un Prélude de Chopin ou une chanson pop ? Pour improviser sur un standard de jazz comme « Summertime4 » ? Oui, sans doute, mais savoir jouer ces morceaux, savoir improviser sur un standard, c’est avant tout une manière d’exprimer, à travers eux, une émotion qui les transcende.
Au-delà des aspects techniques de l’apprentissage de la musique, on apprend à se connaître soi-même, à exprimer ses sentiments, à découvrir leur incroyable intrication, à puiser dans ses ressources les plus intimes, qui sont aussi les plus puissantes, et à les explorer. On part à la rencontre de la personne la plus importante dans sa vie : soi-même.