Qu'ils brûlent
Un thriller qu'on ne lâche pas sur les affres de la religion, les non-dits et les ravages causés par les préjugés.
Cinq balles mortelles. Un acte effroyable. Plusieurs vérités.
À Riversend, une petite ville de l’Australie rurale terrassée par la sécheresse, un jeune pasteur charismatique et dévoué ouvre le feu sur ses paroissiens. Il tue cinq d’entre eux avant d’être abattu à son tour. Un an plus tard, Martin Scarsden arrive à Riversend, chargé d’écrire un article sur l’état d’esprit de ses derniers habitants à l’approche du premier anniversaire de l’horrible tragédie. Pour quelle raison le pasteur a-t-il eu cet accès de folie meurtrière ? Quel est le lien avec l’assassinat de deux touristes allemandes retrouvées au fond d’un réservoir des Brousses – une vaste zone de terres incultivables située au nord de la ville ?
Poursuivi par ses propres démons d’ancien correspondant de guerre, Martin se retrouve malgré lui mêlé à une enquête et une tempête médiatique sans précédent.
Extrait
Prologue
Pas un souffle d’air. Après s’être adoucie durant la nuit, la chaleur revient déjà – accablante. Le ciel est sans un nuage, un azur impitoyable, le soleil cogne. Derrière le remblai bordant la rue, les cigales chantent au bord de la rivière, ou ce qu’il en reste, mais aux alentours de l’église anglicane Saint-James, le silence règne. Les premiers paroissiens qui arrivent pour le culte de onze heures se garent en face du perron à l’ombre des arbres. Lorsque trois ou quatre voitures sont là, leurs occupants en descendent, traversent la chaussée dans l’éclatante lumière matinale et se rassemblent pour discuter devant l’église – les prix du bétail, le manque d’eau pour les cultures, la météo éprouvante. Le jeune pasteur, Byron Swift, est présent lui aussi. Il porte encore ses vêtements de ville. Il bavarde aimablement avec ses fidèles, des gens presque tous bien plus âgés que lui. Un dimanche matin ordinaire. Rien ne laisse présager un drame.
Craig Landers, propriétaire du magasin général de Riversend, approche. Il part à la chasse avec sa bande, mais il a décidé de passer d’abord à l’église pour échanger quelques mots avec le pasteur. Ses copains l’accompagnent.
Comme Craig, aucun d’eux n’assiste régulièrement au culte. Gerry Torlini, qui vit à Bellington et ne connaît personne ici, décide de retourner à son pick-up, mais Thom et Alf Newkirk, deux fermiers de Riversend, ainsi que Horrie Grosvenor, se joignent au groupe des paroissiens. Allen, le fils adolescent d’Alf, se voyant entouré de « vieux », tourne les talons et rejoint Gerry dans son véhicule. Si quelqu’un estime que ces hommes font tache devant l’église avec leurs accoutrements de chasseurs – d’étonnants mélanges de tenues de camouflage et de vêtements fluorescents –, personne ne le dit.
Le pasteur aperçoit Landers et va à sa rencontre. Ils se serrent la main, sourient, ont une brève conversation. Puis Swift s’excuse et regagne l’église où il doit se préparer pour le culte. Ayant dit ce qu’il avait à dire, Landers veut s’en aller, mais Horrie et les frères Newkirk sont en grande discussion avec des fermiers. Après avoir patienté quelques minutes, il se dirige vers le flanc du bâtiment pour trouver de l’ombre. Il y est presque, lorsque les conversations cessent tout à coup derrière son dos. Se retournant, il constate que le pasteur est ressorti sur le perron de l’église vêtu d’une soutane noire, un crucifix argenté sur sa poitrine étincelant au soleil. Il a aussi une arme entre les mains : un puissant fusil de chasse équipé d’une lunette de visée. Landers peine à assimiler ce qu’il voit, mais il n’a pas le temps de s’interroger. Swift épaule calmement le fusil et tire sur Horrie Grosvenor qui se trouve à moins de cinq mètres de lui. Le crâne de l’homme explose dans un nuage rouge, ses jambes le lâchent, il s’effondre par terre comme un sac vide, ou comme s’il n’avait soudain plus de squelette. Dans le profond silence qui suit la détonation, tous les regards sont braqués sur le pasteur. Personne ne comprend ce qui se passe. Swift tire alors une seconde fois et un autre homme s’écroule : Thom Newkirk. Personne ne crie, pas encore, mais maintenant la panique est là, un désespoir muet qui pousse les uns et les autres à prendre la fuite. Landers se précipite vers le coin de l’église à l’instant où retentit un troisième coup de feu. Au flanc du bâtiment, il se retrouve momentanément en sécurité. Mais il ne s’arrête pas de courir. Il sait que c’est lui, surtout lui, que le pasteur veut abattre.