Énergie nucléaire : le vrai risque
A l'heure de Flamanville, quelles ambitions climatiques pour la France et quelle place faut-il donner au nucléaire pour y parvenir ? Un plaidoyer pour l'usage raisonné du nucléaire.
Ingénieur de formation (ENSEM), Dominique Louis commence sa carrière chez ATEM, société spécialisée dans l’ingénierie industrielle. En 1994, il crée Assystem, groupe international d’ingénierie et de conseil en innovation et en devient le P-DG. Diplômé de l’ENS et de l’école des Mines de Paris, Jean-Louis Ricaud a une expérience approfondie du monde industriel. Il y a exercé d’importantes responsabilités, notamment comme directeur général des activités recyclage et ingénierie du groupe Cogema, puis chez Renault et chez Alstom Transport.
Présentation de l'éditeur
La population de la planète va continuer de croître et son niveau de vie de s’améliorer, conduisant d’ici 2050 à une hausse de la consommation mondiale d’énergie de l’ordre de 50 %. L’énergie nucléaire, associée aux énergies hydraulique, éolienne ou solaire, constitue la seule solution disponible pour satisfaire ce besoin en énergie, qui permette de réduire la place des combustibles fossiles et donc de limiter les rejets de CO2. Mais, comme toute activité humaine, l’industrie nucléaire comporte des risques ; toutefois, ces risques sont parfaitement maîtrisables, et bien mieux maîtrisés que dans beaucoup d’autres industries. Le recours à l’énergie nucléaire devrait ainsi apparaître incontournable aux gouvernements, notamment européens et français, qui ont placé la neutralité carbone au cœur de leurs stratégies. Ce choix de l’énergie nucléaire – qui est recommandé aussi bien par le GIEC que par l’Agence internationale de l’énergie – doit s’accompagner d’une gouvernance irréprochable, prérequis fondamental à l’adhésion de l’opinion publique à son usage dans le long terme. Finalement, le vrai risque pour les décennies à venir serait de ne pas tirer parti des performances démontrées de l’énergie nucléaire, énergie totalement décarbonée, économiquement abordable, environnementalement acceptable, et de continuer à utiliser des systèmes énergétiques coûteux et polluants. C’est à cette réflexion stratégique que ce livre a l’ambition de contribuer.
Extrait
Préface
Sous l’effet de la croissance démographique – la population mondiale devrait atteindre 10 milliards d’habitants en 2050 – et de l’amélioration du niveau de vie, les besoins en énergie vont inéluctablement continuer à croître dans les trente prochaines années. Des pays tels que l’Inde ou le Bangladesh vont voir leur PIB par habitant quadrupler à l’horizon 2050, et des milliards d’habitants, partout dans le monde, accéderont sans doute, sauf catastrophe majeure, à des niveaux de vie et des demandes de consommation se rapprochant de ceux des classes moyennes occidentales d’aujourd’hui.
Cette double évolution – hausse de la population mondiale et évolution du niveau de vie – devrait conduire, si rien ne change, à une augmentation de la consommation mondiale d’énergie de l’ordre de 50 % entre 2015 et 2050.
À l’heure où l’urgence planétaire est de contenir le réchauffement climatique, satisfaire une telle augmentation des besoins en énergie (ou même une demande moindre si les modes de vie deviennent plus sobres) par des sources carbonées comme le charbon, le pétrole ou le gaz naturel conduirait à des rejets supplémentaires massifs de CO2 dans l’atmosphère, et donc à une accélération du désastre écologique et climatique.
Il est dès lors vital de commencer par réduire la part des combustibles fossiles dans l’énergie mondiale utilisée.Cela passe par la modification profonde non seulement du contenu de la croissance, mais aussi du contenu de la production, qui devra être orientée vers des activités moins consommatrices d’énergie, ce que, pour ma part, j’appelle l’« économie de la vie » (santé, éducation, environnement, gestion de l’eau, divertissement et culture, etc.).
Il sera ensuite vital de réduire la part des combustibles fossiles dans la consommation énergétique mondiale. Pour cela, une double nécessité s’impose :
limiter l’usage des combustibles fossiles aux seules applications non énergétiques (chimie, pétrochimie) ;
et assurer la satisfaction de l’essentiel des besoins énergétiques par des sources d’énergie non carbonées, c’est-à-dire ne conduisant pas à des rejets de CO2.
Il n’existe aucune solution permettant de fournir une telle énergie d’une manière sûre, économiquement abordable et respectueuse de l’environnement autre que l’électricité décarbonée, comme démontré dans le livre précédent des mêmes auteurs, 2050. La France sans carbone. Il est donc urgent d’électrifier la plupart des usages de l’énergie, dans les transports comme ailleurs.
Différentes sources d’électricité décarbonée existent, dont l’hydraulique, le solaire, l’éolien et le nucléaire.
En examinant, avec pragmatisme et réalisme, les forces et faiblesses de chacune de ces solutions, il est clair que les trois premières ne suffiront pas à répondre aux besoins mondiaux en électricité, du fait notamment de leur nature intermittente et de leurs capacités maximales limitées de production.
Pour rendre compatible une hausse du niveau de vie pour l’ensemble des habitants de la planète et une maîtrise du réchauffement climatique, l’énergie nucléaire sera donc incontournable.
Son développement a été freiné par de graves accidents qui ont marqué la mémoire collective. L’usage de l’énergie nucléaire fait indéniablement courir des risques. Ce livre étudie les avantages et les inconvénients à court, moyen et long terme de ce mode de production d’électricité, et démontre, avec rigueur et réalisme, que ces risques sont maîtrisables. Et, par conséquent, que cette forme d’énergie sera en mesure d’occuper une place importante dans l’avenir.
L’humanité pourra un jour s’en passer, quand elle aura atteint un nouveau niveau de savoir et de culture, et que l’économie de la vie occupera la totalité de l’économie mondiale. Pour le moment, si on ne veut pas condamner à la misère une large fraction de l’humanité, et faire mourir le reste par le réchauffement climatique, il faut gérer au mieux ce risque.
C’est à s’y préparer que ce livre réfléchit, très utilement.
Jacques Attali