Les nuits de Vladivostock

Auteur : Christian Garcin
Editeur : Stock

Une nuit moite au coeur de Vladivostok la blafarde. Dans un local poisseux où ne parviennent que des lambeaux de conversations et des effluves de diesel et de cigarette, Thomas Rawicz est enchaîné à un radiateur face à un Chinois convaincu d'avoir mis la main sur le coupable qu'il traque depuis plusieurs semaines.
Ce coupable, c'est Tomas Krawczyk, un malfrat qui flirte avec les mafias russe et chinoise et se trouve impliqué dans de sordides histoires de prostitution et de trafics d'enfants. Le Chinois, c'est « Zuo Luo », ou « Zorro », un détective privé qui a établi sa réputation sur le sauvetage des femmes maltraitées.Quel est le point commun entre une prostituée coréenne, deux soldats tués dans la guerre russo-chinoise de 1969, une étrange Sibérienne aux yeux clairs et un Russe qui a traversé son pays à pied ?
De Vladivostok à l'île chamanique d'Olkhonsur- Baïkal, en passant par les souterrains de New York, ce qui n'était qu'une chasse à l'homme va susciter l'apparition d'imbrications inattendues. Et entre les conséquences des multiples conflits russo-chinois et le tremblement de terre du Sichuan en 2008, c'est aussi une radiographie de la Chine et de la Russie contemporaines qui se livre à nous.

20,50 €
Parution : Janvier 2013
368 pages
ISBN : 978-2-2340-7160-5
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Extrait

C'est moi qui pose les questions

De sa main libre, Thomas replie le journal et le pose sur la petite table, entre le Chinois et lui, mettant en évidence l'article qu'il vient de parcourir sans le lire, et la photo plutôt floue qui l'accompagne. Il le désigne d'un bref mouvement du menton.
Ce «Zorro», là... c'est toi, non ? demande-t-il en grimaçant.
L'autre main, celle qui est attachée au radiateur de fonte, le fait souffrir.
Ta gueule, Krawczyk, dit le Chinois.
Je te dis que je ne m'appelle pas Krawczyk. Mon nom est Rawicz. Thomas Rawicz. Tu m'as piqué mon passeport, tu devrais le savoir.
Le Chinois tire sur sa clope, puis crache la fumée lentement, par les narines.
Ferme-la, Krawczyk.
Puis il murmure en hochant la tête, les yeux fixés sur ses tennis.
Ton passeport... Tu me prends pour un con ? Thomas soupire.
Mais toi, tu t'appelles vraiment Zorro ? insiste-t-il.
C'est un surnom, lâche Zorro dans un nouveau nuage de fumée. En chinois on dit «Zuo Luo».
Et ça ne te gêne pas ? Je veux dire, tu ne trouves pas ça ridicule ?
Zuo Luo aspire profondément, souffle la fumée de sa cigarette sur le visage légèrement contusionné de Thomas, puis tourne la tête vers le fenestron. Des odeurs écoeurantes de diesel les assaillent par intermittence. L'édredon dense et moite de la nuit tombe lentement. On entend des bruits de voix et un raffut d'oiseaux. Aussi quelques véhicules à moteur, mais plus loin, comme assourdis. Sans doute un jardin public, pense Thomas. Peut-être le petit parc miteux en contrebas de l'avenue qui longe le port, entre le boulevard encombré de bagnoles et les grues. J'ai cru voir une baraque qui semblait abandonnée hier à cet endroit. Il toussote, réclame un peu d'eau.
Et puis quoi encore, dit Zuo Luo.
Juste un peu, insiste Thomas. De toute façon tu ne vas pas me garder attaché à ce radiateur pendant des mois, non ? Tu vas bien finir par te rendre compte que tu t'es trompé de bonhomme. Alors tu regretteras.
Zuo Luo ne réagit pas. Il fixe ses tennis.
Ton vrai nom, c'est quoi ? demande Thomas.
Quelle importance ? répond Zuo Luo. Tu comptes porter plainte ? Bonne chance.

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