Hippocrate aux enfers

Auteur : Michel Cymes
Editeur : Stock

« Ce livre est une pierre posée sur le fragile édifice de la mémoire de la Shoah. » M. Cymes Les médecins ont été parmi les premiers malades atteints de la Peste Brune : à Auschwitz, à Dachau, à Buchenwald ou à Strasbourg, les pires atrocités ont été commises par ceux qui avaient prêté le serment d'Hippocrate. Si le nom de Mengele est encore connu, il ne faut pas oublier les actes et les victimes de Rascher, Clauberg, Heim et Hirt : c'est à cet exercice de mémoire que nous convie Michel Cymes, qui jette son regard de médecin d'aujourd'hui sur une facette moins connue de la barbarie nazie, les expérimentations médicales pratiquées sans consentement sur les détenus. S'appuyant sur de nombreux témoignages ainsi que sur une documentation récente voire inédite, révélant des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à entendre, Michel Cymes raconte avec franchise et passion comment Hippocrate est descendu aux enfers.

18,50 €
Parution : Janvier 2015
216 pages
ISBN : 978-2-2340-7803-1
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Extrait

Extrait du prologue

C'était là.
Je suis face à une bâtisse aux portes fermées, semblable aux autres bâtiments alentour.
C'est là que tant de cobayes humains ont subi les sévices de ceux qui étaient appelés «docteurs», des docteurs que mes deux grands-pères, disparus dans ce sinistre camp, ont peut-être croisés.
C'est là que le plus célèbre d'entre eux, Josef Mengele, observait avec avidité les jumeaux qu'il allait sacrifier. Puis autopsier.
Autopsier pour voir.
Pour essayer de trouver.
Pour essayer de comprendre.
Voir, trouver, comprendre... mais quoi ?
Je suis saisi, muet, pétrifié, devant ce lieu chargé d'horreurs.
Derrière ces murs, ces fenêtres fermées, ces portes closes, j'entends les cris, les pleurs.
Je devine les corps décharnés se tordant de douleur, suppliant, toutes les images atroces que l'histoire de cette période porte sur ses bras.
Je suis à Auschwitz-Birkenau.
Il s'agit d'un voyage de mémoire, un pèlerinage personnel que j'ai maintes fois repoussé.
Là, devant ce bâtiment, mon coeur de médecin ne comprend pas.
Comment peut-on vouloir épouser un métier dont le but ultime est de sauver des vies et donner la mort à ceux que l'on ne considère plus comme des êtres humains ?
Je sais que c'est une question naïve, simpliste, et je ne peux que la formuler. Je veux savoir.
Maintes fois, j'ai lu et relu ceux qui essaient d'expliquer l'inexplicable.
Mais là, sur les lieux du crime, je vois.
Plus d'analyses. Plus d'explications.
Juste l'effroi.
L'horreur par procuration. Témoigner.
Un mot. Un sentiment. Une injonction qui me vient brutalement ce jour-là, en même temps qu'un sentiment d'indécence. De quoi témoignerais-je, moi qui n'ai rien vécu de tel. De quoi parlerais-je ?
De mon émotion ? De ma souffrance morale ?

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