Chers hypocondriaques...
« Avec le développement de l'information santé sur internet et dans tous les médias, l'hypocondrie se porte bien !
Inconvénient : elle déverse des tombereaux d'anxiété sur toutes celles et tous ceux qui veulent vivre mieux et le plus longtemps possible. On est tenté de penser au pire au moindre pépin. Dans l'immense majorité des cas, on se trompe. Et mon expérience de médecin me le prouve : il suffit de se pencher avec un peu de sérieux sur les symptômes que présente le patient pour, très souvent, constater qu'il a surinterprété les choses.
Extrait
Je suis hypocondriaque, tu es hypocondriaque, il est hypocondriaque et nous avons tous peur ! Qui peut jurer de n’avoir jamais été pris de panique et pensé au pire parce qu’il endurait un mal de tête de chien, crachait du sang, avait l’impression que ses oreilles allaient exploser, était pris de vertiges ou sentait son être l’abandonner sous les assauts d’une douleur insistante ? Pas grand monde… Le sketch, je le connais par cœur. « Docteur, je crois que j’ai un cancer… » Variante : « Michel, je suis impuissant… » Ou encore : « J’ai une tumeur… C’est Parkinson… Ou Alzheimer… Ou l’infarctus qui guette… »
Mais comment en vouloir à l’hypocondriaque ? Comment ne pas le plaindre ? S’il vous suffit d’un pet de travers pour voir votre vie défiler sous vos yeux, si vous avez l’impression que personne, pas même votre médecin, cet incompétent, ne vous prend au sérieux, si vos proches se sont lassés ou s’amusent de vos angoisses, vous êtes de ceux qui gâchent leur vie de peur de la perdre. Savoir que vous n’êtes pas le premier ne suffira sans doute pas à vous consoler mais je vous le confirme quand même : l’hypocondrie est connue depuis l’Antiquité. Du temps d’Hippocrate, étaient considérés comme hypocondriaques ceux qui se plaignaient du ventre et se croyaient atteints d’une maladie touchant les hypocondres, cette partie de l’abdomen située sous les côtes et contenant essentiellement le foie, la vésicule biliaire et le tube digestif. Depuis la Grèce antique, rien de changé sous le ciel plombé des grands inquiets : ils ne veulent pas qu’on les rassure, n’entendent raison qu’à condition que leur soient confirmées leurs craintes tant est ancrée en eux la conviction d’avoir toutes les maladies possibles sauf une : celle dont ils souffrent vraiment, l’hypocondrie.
Entre Lars von Trier qui se réveille tous les deux jours avec un nouveau cancer et Michael Jackson qui ne se nourrissait quasi exclusivement que de médicaments, la gazette s’est souvent fait l’écho d’illustres hypocondriaques parmi lesquels se repèrent aussi Woody Allen, Antonio Banderas ou encore Megan Fox. L’univers de la télé dispose aussi de sérieux clients avec Michel Drucker, Christophe Dechavanne ou Thierry Beccaro. Le premier épuise les meilleurs spécialistes. Le deuxième confesse connaître le Vidal par cœur. Quant au troisième, amusez-vous à lui dire que vous le trouvez un peu pâle, il blêmira instantanément !
Comme eux, un Français sur trois reconnaît qu’il lui arrive souvent d’avoir peur d’être atteint d’une maladie grave lorsque apparaissent certains signes qu’il juge inquiétants. Mais il y a mieux, ou pire : 13 % des assurés sociaux nourrissent le même type d’angoisse en l’absence même de tout symptôme ! L’hypocondrie se porte d’autant mieux que l’information santé s’est vulgarisée et démocratisée. Via internet et les médias traditionnels, elle est aujourd’hui accessible à tous. Inconvénient : elle déverse des tombereaux d’anxiété sur toutes celles et tous ceux qui veulent vivre mieux et le plus longtemps possible… Dès lors, je comprends que l’on imagine le pire au moindre pépin. Mais dans l’immense majorité des cas, on se trompe. Il suffit de se pencher avec un peu de sérieux sur les symptômes que présente le patient pour, souvent, constater qu’il a surinterprété les choses… On touche là au paradoxe de 35 ans d’information santé : plus on en sait, plus on s’en fait ! Censée canaliser la peur, l’information l’accentue quand elle ne la déclenche pas ! Et rien ne concourt à ce que la situation s’améliore, la plus forte proportion d’hypocondriaques se retrouvant parmi les moins de 35 ans, c’est-à-dire les plus jeunes, donc les plus connectés. Or quiconque nourrit des doutes sur son état de santé a quasi systématiquement le réflexe de se ruer sur internet où il n’est pas donné à tout le monde de savoir trier le bon grain de l’ivraie, la bonne information de celle, anxiogène, incomplète ou frelatée de certains sites qui dispensent un savoir digne de l’autoformation des gens incompétents. Ce qu’on peut y lire dépasse l’entendement : cela va de la sinusite chronique qui refile le cancer aux mouches qui transmettent la peste en passant par les jus de carotte qui remplacent la chimio, sans oublier le risque accru de se faire dévorer le cerveau par des vers si l’on mange du porc. Véridique ! Il y a de quoi faire ruer un cheval de bois, non ? Dès lors, sur l’hypercondrie, se greffe la cybercondrie, version numérique d’une maladie qui entame le moral et ravage l’esprit, fût-il le plus équilibré.
Le dire ne suffit pas à apaiser. Prendre le temps de l’écrire peut aider. C’est le pari que je fais en vous proposant ce livre destiné à vous rassurer, à vous convaincre que ce dont vous souffrez n’est peut-être pas si grave que ça, à vous dire que oui, vous allez mourir, mais pas forcément tout de suite !
Il s’articule autour de 2 grandes parties. La première passe en revue nos 10 principales angoisses existentielles : l’infarctus, le cancer, le sida, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, l’impuissance, la stérilité, les virus, la sclérose en plaques et, in fine, la mort ! Nous y comprendrons pourquoi et comment l’hypocondriaque se croit systématiquement foutu. La seconde partie propose 20 situations de la vie courante : j’ai mal à la tête, je tremble, je vois double, je crache du sang, mes oreilles bourdonnent, j’ai une douleur dans la poitrine, un ganglion ici, un problème là, une boule ailleurs… L’hypocondriaque y est scanné de la tête aux pieds ! À chaque fois, j’évoque le pire des diagnostics (celui qui vous fait peur mais qu’au fond de vous-même, paradoxalement, vous souhaitez entendre) pour mieux l’éluder et vous démontrer, en fonction d’autres symptômes, que votre dernière heure n’est pas forcément arrivée !
L’accueil que vous avez réservé à mes précédents livres m’a convaincu qu’on pouvait parler de choses sérieuses sans dramatiser et avec humour. Face au pire qui n’est jamais sûr, légèreté et distance s’avèrent souvent de bonnes compagnes de route. Je ne prétends pas rivaliser avec Molière et son inoubliable Malade imaginaire mais, vous verrez, le décalage qui existe entre vos craintes et la réalité est parfois assez cocasse…