Au premier regard
Une femme quitte la chambre où son amant continue à dormir et descend à la cuisine. Elle commence à préparer un gâteau, au milieu de la nuit, et ses pensées s'évadent, la ramènent à sa rencontre avec Ton, quelques années plus tôt, et à cette attraction immédiate entre eux. Les images d'une sortie en patins à glace sur les canaux gelés lui reviennent en mémoire, sans doute le moment qui avait scellé leur histoire d'amour ; elle repense aussi à sa décision de s'installer à la campagne avec lui, dans cette maison où elle vit encore à présent. Car Ton, malgré de brillantes études de droit, croit qu'il sera plus heureux en reprenant la pépinière de ses parents. Deux ans plus tard, il se suicide dans une des serres... La narratrice décide de rester, devient l'institutrice du village. Elle se met à rencontrer d'autres hommes, grâce à des petites annonces. Elle les fait venir chez elle, mais après avoir fait l'amour, elle ne parvient pas à dormir avec eux...
Au premier regard est le récit d'une épiphanie, ou d'une acceptation. La voix d'une femme qui assume sa sexualité, et qui essaie de faire la paix avec son passé, afin de faire cohabiter le souvenir d'un grand amour et le besoin d'avancer. Le charme du livre de Margriet de Moor tient à cette alliance entre sensualité et réflexion, ainsi qu'à une langue musicale d'une grande beauté qui explore les méandres de l'âme humaine avec une clairvoyance rare.
La presse en parle
La pâtisserie, dit-on, apaise l’âme. Peser, mélanger, pétrir, faire lever, enfourner… Et si ces simples gestes étaient les antidotes les plus efficaces aux douleurs enfouies ? On peut se poser la question à la lecture d’Au premier regard, septième roman traduit en français de Margriet de Moor, née en 1941 et grande figure des lettres néerlandaises.
Une femme, en proie à l’insomnie, prépare des gâteaux jusqu’au lever du jour. A l’étage du dessus, elle a laissé, profondément endormi, son nouvel amant de passage : un homme divorcé, rencontré le matin même. Des années auparavant, elle s’est retrouvée veuve, à 25 ans, après quatorze mois de mariage, lorsque son mari, Ton, s’est suicidé sans laisser d’explication. A l’homme qui partage son lit, elle a livré le récit de ce deuil précoce en s’en tenant aux faits, comme avec ses précédentes conquêtes. Mais – est-ce un amour naissant pour ce nouveau venu ? un désir d’aller de l’avant ? – cette nuit est différente des autres. Une brèche s’est rouverte dans une histoire personnelle qu’elle semblait avoir surmontée.
Ecrivaine de l’introspection, Margriet de Moor place sa narratrice face à ce passé sur lequel elle tente de faire la lumière, explorant avec adresse la fragilité des traces que laisse un premier amour. Cette hypnotique peinture d’une résurrection amoureuse et sensuelle dit avec grâce le regret des rendez-vous ratés et l’espoir fragile des recommencements. A. S.
Le Monde