Le Sourire des fées

Auteur : Laure Manel
Editeur : Le Livre de Poche

« Rose l'a dit à Lou : il faut croire encore au bonheur. Elle a toujours eu le don pour apporter de la joie à partir de presque rien. Un joli paysage, une belle lumière, le parfum d'une pivoine, le goût du chocolat noir attrapé avec la langue sur le fouet à pâtisserie, un bon repas, un fou rire qui tire les larmes, respirer à pleins poumons, danser, jouer... Ce sont ces petites doses de bonheur à pratiquer au quotidien. C'est à cela qu'il faut s'accrocher. ».
Rose et Antoine s'installent au Grand-Bornand avec Lou auprès de Hermance, l'arrière-grand-mère de la petite. Antoine devient guide de haute montagne, Rose reprend le patinage et Lou grandit heureuse et épanouie. Mais la mort de Hermance et l'accident de ski d'Antoine entachent ce bonheur simple. Jamais il n'y a eu plus d'urgence à s'aimer.

8,20 €
Parution : Avril 2021
Format: Poche
384 pages
ISBN : 978-2-2530-7873-9
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Extrait

Vivre ici

Le cartable attend dans l’entrée. Encore presque vide, encore flambant neuf. À l’intérieur, on peut trouver un lot de fournitures tout aussi neuves. Les trousses renferment des stylos en plastique, à bille et plume, des crayons de couleur parfaitement taillés et des feutres parfumés. La gomme sent le caoutchouc, la colle l’amande amère. Le cahier de textes dont un chaton touffu a pris possession de la couverture n’est déjà plus vierge : la page de garde a été soigneusement annotée, avec nom, prénom, adresse et numéro de téléphone. «DUSSAC Lou» est aussi écrit sur l’étiquette accrochée au cartable.
Ladite Lou est attablée devant son bol de chocolat chaud, parfaitement réveillée, pour ne pas dire survoltée. Le trac de cette rentrée dans la classe des grands ne l’empêche pas d’avoir bon appétit. Elle mord avec vigueur dans sa tartine de pain beurrée à la confiture, sous les yeux attendris de son arrière-grand-mère.
— Ne mange pas si vite, ma chérie. Tu vas être mal... rouspète gentiment Hermance.
Lou hausse les épaules. Elle dit toujours ça, et jamais elle n’est mal. Son estomac doit être très résistant. Et puis, il ne faudrait pas arriver en retard à l’école !
Hermance regarde la petite fille qui ne l’est plus tant que ça... Elle a bien voulu mettre une robe. C’est bien parce que c’est la rentrée! Exceptionnellement, elles ont joué la carte de l’élégance. Jusque dans la coiffure. Rose s’est appliquée à lui réaliser un ensemble très élaboré de nattes, qui change de son habituelle queue-de-cheval. Lou pose son bol sur la table avec une énergie qui provoque un sursaut chez Hermance. Les yeux bleus de l’écolière pétillent d’une intelligence espiègle.
— On y va? Papa? Rose? Ils sont où? s’agace-t-elle presque.
— Tu n’aurais pas oublié quelque chose, par hasard, ma Lou?... Le brossage de dents. Et tu jetteras un coup d’œil dans la glace, par la même occasion...
Lou arbore en effet de magnifiques moustaches de chocolat. Comme un matin sur deux.
Le moteur de la voiture tourne déjà. Lou et son cartable ont pris place dans l’habitacle, Antoine au volant, Rose à ses côtés. C’est la rentrée, et, pour l’occasion, ils vont tous les trois à l’école. Hermance se tient devant le chalet et multiplie les signes de la main, les coucous et les bises imprimées sur sa paume qu’elle envoie à Lou en soufflant. Cette dernière y répond en miroir. Ces deux-là ont leurs rituels.
— Dommage que Gramima ne puisse pas venir avec nous, soupire Lou, résignée.
— Ma puce, tu sais bien qu’Hermance ne peut pas nous accompagner. En dehors du fait qu’elle a du mal à marcher en ce moment, ce n’est pas vraiment sa place.
— Elle me manque déjà.
Rose sourit à Antoine. Elle voit bien ce que Lou veut dire et ressent... Cet été encore, la petite et son arrière-grand-mère ont passé beaucoup de temps ensemble, pour leur plus grande joie à toutes les deux. Même si l’aïeule ne peut pas gambader à travers champs ni construire des cabanes, elles ont partagé, dans le jardin ou dans la maison, recettes de cuisine, jeux et riches discussions. Peut-être même échangent-elles quelques secrets.
Après vingt minutes de route, les voilà garés près de l’école du Chinaillon. Lou saute de la voiture. Déjà elle court vers ses deux meilleurs copains, Côme et Alix. Le «Attends-nous» d’Antoine est passé complètement inaperçu. Elle franchit le portail de l’école, adresse un bonjour poli au directeur puis s’empresse de rejoindre ses camarades. Entre joie de se retrouver, excitation à l’idée de cette nouvelle année et jeu de la comparaison des cartables (Il est trop beau / On a le même! / Ma mère a voulu que je garde celui de l’année dernière...), les enfants animent déjà la cour avec force décibels.
Les parents, souvent devancés – et dépassés –, franchissent le portail à leur tour, saluent les enseignants et se dirigent vers le rituel pot d’accueil de rentrée: café et thé fumants les attendent sur une table dressée en petit banquet, avec quelques biscuits. On se retrouve dans la bonne humeur, on parle des vacances, des destinations, des belles surprises comme des ratés... Convivialité est le maître mot de ce moment ponctué des éclats de rire des enfants.
Après un petit discours du directeur et le traditionnel appel – sans suspense, puisqu’il n’y a qu’une classe par niveau –, les élèves se rangent et s’apprêtent à rentrer dans le bâtiment, le sourire aux lèvres. Quelques-uns envoient un dernier coucou à leurs parents. Lou est bien trop occupée à discuter avec Alix pour y penser. Elles sont si fières de rejoindre la classe des grands ! Même si elles y seront parmi « les petits »...
Antoine et Rose traversent la cour pour regagner la voiture. Il attrape sa main, elle lui sourit. C’est la cinquième rentrée de Lou qu’ils effectuent ensemble. La troisième ici, au Grand-Bornand.

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