Toutes les histoires d'amour du monde
Lorsqu’il découvre dans une vieille malle trois carnets renfermant des lettres d’amour, le père de Jean sombre dans une profonde mélancolie.
Jean, lui, tombe des nues : Moïse, son grand-père, y raconte l’histoire de sa vie. Plus incroyable encore, Moïse adresse son récit à une inconnue : Anne-Lise Schmidt.
Qui est cette femme ? Et surtout qui était-elle pour Moïse ? Comment quelqu’un de si chaleureux et sensible dans ses lettres a-t-il pu devenir cet homme triste et distant que père et fils ont toujours connu ?
Naviguant entre les grands drames du XXe siècle et des histoires d’amour d’aujourd’hui glanées dans une tentative éperdue de faire passer un message à son père, Jean devra percer le lourd secret d’un homme et lever le voile sur un mystère qui va chambouler toute une famille…
Extrait
Prologue
Je sais que la scène s’est déroulée en 1956, dans un austère bureau d’une grande gare parisienne.
Tu étais assis. Le pasteur, venu d’Allemagne spécialement pour toi, avait installé à ton côté un projecteur 16 mm (les plus commercialisés à l’époque), puis avait quitté discrètement la pièce.
Ce que tu as ressenti quand la bobine a commencé de tourner ? Difficile à dire... Je crois pourtant entendre le ronron de la machine et vois même l’image un peu jaunie, un peu fanée, sur le mur blanc. La lumière s’y réfléchit sur ta figure pâle et y dépose le reflet, vivant et jeune pour toujours, d’une petite fille. Blonde, la mine réjouie, on la voit entrer dans un parc d’attractions et adresser un salut poli vers le cameraman.
Tu sais que tu ne la reverras pas, c’est fini. Alors, j’imagine que tu as dû accueillir chaque seconde du film, chaque grain, chaque photon, et que ta gorge devait être serrée pour ne surtout pas geindre, hurler, ou renverser la table...
Le mystère de votre histoire te revient encore et encore. Tu es éclaboussé de rayons : la robe de la fille, le sourire de la fillette... tout te tasse au fond du siège, comme on casse les os aux défunts pour les emboîter dans la caisse.
Tu aurais pu être un grand-père aimant et chaleureux, tu ne seras qu’un homme-caillou calcifié par les remords, recroquevillé loin des vivants.
C’est à cet instant précis que tu es mort à la vie.
Je pense, ou je devine, que ta décision de sauvegarder toute la vérité, tu l’as prise quand tu as su – et accepté – que tu voyais ta fille pour la dernière fois.
Combien de temps auras-tu mis pour écrire votre histoire, à tous les deux ?
Une existence entière.
Moi, ton secret, il m’aura fallu des semaines de lectures, de rires, de larmes et de rencontres humaines pour le percer.
On riait et on pleurait aussi bien à l’époque qu’aujourd’hui, et pour les mêmes raisons.
Alors je veux dire à la personne qui lit ces mots : croyez-moi sur parole, de la tête au cœur, il n’y a pas UN mot de cette mystérieuse, extraordinaire et injuste histoire qui ne vous concerne pas.