Et je danse, aussi
Retiré dans la Drome et esseulé depuis le départ inexpliqué de son épouse, Pierre-Marie reçoit un jour une épaisse enveloppe contenant un manuscrit envoyé par l'une de ses lectrices, Adeline. Sans ouvrir le pli, il lui répond. Une correspondance s'engage, en cette année 2013, qui durera huit mois, de février à octobre.
Au fil de leurs échanges, un lien intime s'établit. Ils composent librement, avec leur réalité, leur personnalité, leurs zones d'ombre. Ils s'inventent une vie. Car la leur s'est arrêtée quelques années plus tôt. Pierre-Marie et Adeline ont en effet une histoire en commun, mais qui ne leur appartient pas, et dont Pierre-Marie ne sait rien encore. Le mystère reste prisonnier de l'enveloppe expédiée par Adeline.
Plus les lettres se précisent, plus elles effleurent la vérité qui dort dans ces pages... et des personnages depuis longtemps oubliés reprennent vie et entrent dans la danse.
Extrait
De : Pierre-Marie Sotto
À : Adeline Parmelan
Le 24 février 201 3
Chère Madame Parmelan,
Rentrant de voyage ce samedi, je trouve dans ma boîte aux lettres cette volumineuse enveloppe portant votre adresse mail au dos. Je suppose qu'il s'agit d'un manuscrit. En ce cas, je vous remercie de la confiance que vous me témoignez, mais je dois vous informer que je ne lis jamais les textes qu'on m'envoie. C'est le travail des éditeurs. Pour ce qui me concerne, je ne suis qu'écrivain et j'ai bien assez de mal avec ma propre écriture pour avoir la prétention de juger celle des autres.
Je n'ai donc pas ouvert votre enveloppe. Je vous la retournerai dès lundi à votre adresse postale si vous me la communiquez. J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop.
Bien cordialement.
Pierre-Marie Sotto
De : Adeline Parmelan
À : Pierre-Marie Sotto
Le 24 février 2013
Cher Monsieur Sotto,
Je vous remercie d'avoir pris la peine de m'écrire dès votre retour de voyage, même si votre réponse m'a beaucoup déconcertée. Pour tout vous dire, j'étais certaine que vous alliez décacheter mon enveloppe. Mais réflexion faite, je comprends : votre notoriété doit vous attirer toutes sortes de demandes ennuyeuses, et vous avez raison de vous en protéger. Puisque vous avez eu la gentillesse de m'envoyer un message, je me permets de vous préciser que le contenu de l'enveloppe n'a rien d'ordinaire. Et, bien qu'étant l'une de vos admiratrices, je crois pouvoir affirmer que je ne suis pas une lectrice comme les autres.
En comptant sur votre curiosité et en espérant ne pas vous paraître trop insistante.
Avec toute mon admiration.
Adeline Parmelan
De : Pierre-Marie Sotto
À : Adeline Parmelan
Le 25 février 2013
Chère Madame Parmelan,
Si je n'ai pas ouvert votre enveloppe, c'est parce que j'aime choisir moi-même mes lectures. C'est aussi en effet parce que j'ai appris avec le temps à ne pas me disperser. Il m'est arrivé une seule fois d'engager une correspondance avec une lectrice, mais, pardonnez-moi de le dire avec franchise, je n'ai aucune raison objective de renouveler cette expérience avec vous.
Merci de me lire.
Bien cordialement.
Pierre-Marie Sotto
De : Adeline Parmelan
À : Pierre-Marie Sotto
Le 25 février 2013
Cher Monsieur Sotto,
Je n'ai pas l'habitude d'écrire à des personnalités et vous n'imaginez pas les hésitations qui ont précédé l'envoi de cette enveloppe, ni les efforts que j'ai déployés pour trouver votre adresse postale. Apparemment, la lectrice avec laquelle vous avez correspondu avait des arguments plus solides que les miens pour voler un peu de votre temps. Je me demande comment elle s'y est prise !
Le ton sec de votre message est plutôt décourageant, mais je tente encore ma chance : cette photo, que je vous envoie en pièce jointe, vous évoquera peut-être quelque chose.
Bien à vous.
Adeline Parmelan