Au fer rouge
Madrid, 11 mars 2004, dix bombes explosent dans des trains de banlieue. Rescapée, le lieutenant Emma Lefebvre entre en guerre contre le terrorisme. La découverte d'une valise contenant le cadavre d'un trafiquant de drogue espagnol, échouée sur une plage landaise, dix ans plus tard, ravive les vieilles blessures.
Emma met bientôt au jour une véritable organisation mafieuse, avec à sa tête Javier Cruz, seigneur de l'antiterrorisme. Des rives du fleuve Nervión aux bas-fonds de Bayonne, des banlieues déshéritées de Madrid aux palaces de la côte basque, la géographie de la corruption n'a pas de frontières.
Extrait
Le type était encore en vie quand ils l'enfermèrent dans une valise et le larguèrent en haute mer, au large de la côte basque.
Joyeux anniversaire et retour au bercail :
Le soir même, il prévoyait de fêter ses vingt-sept ans avec sa petite amie dans son appartement de Vallecas, au sud-est de Madrid, après un aller-retour express de près de mille bornes Espagne-France-Espagne en Ford Mondeo. Cent cinq kilos de cocaïne étaient planqués dans les portières, le coffre et les doublures des sièges, pour une valeur marchande totale d'environ six millions d'euros.
Deux coéquipiers. Le premier avec lui, l'autre au volant d'une Clio «sentinelle» immatriculée dans les Pyrénées-Atlantiques qui ouvrait la route à deux kilomètres de distance. Le type ne les connaissait ni l'un ni l'autre et il ne voulait rien savoir sur eux. Conduire pour les autres et fermer sa gueule, c'est ce qu'il faisait de mieux.
Depuis leur départ, six heures plus tôt, il n'avait qu'une chose en tête : dix-huit mille euros de prime de risque à se partager à l'arrivée, plus le règlement de ses trois dernières livraisons.
Encaisser le pactole à Bayonne et retourner dare-dare à Madrid souffler ses bougies avant une bonne partie de baise sur un matelas de billets.
Ça, c'était le plan.
Le type était parfaitement clean. Les papiers de la Mondeo étaient en règle, il n'avait pas bu une goutte ni tiré sur un joint depuis trois jours - ¡ Muuuy profesional, comme attitude, cabrón !
Le trajet aller se passa comme sur des roulettes. Pas l'ombre d'un flic sur la route ou à la douane, radio en sourdine, un véritable parcours de santé. Juste ce qu'il faut de nerfs à vif et d'adrénaline pour rester concentré sur le volant.
Sauf qu'il n'y eut pas de retour.
Ni pour lui, ni pour ses coéquipiers.
Les intermédiaires les attendaient à Bayonne dans un petit garage automobile. Quatre hommes déterminés et sûrs d'eux, munis de deux semi-automatiques et d'un pistolet Walther P38 calibre 9. Leur attitude exprimait clairement qu'ils n'avaient jamais eu l'intention de payer quoi que ce soit. Ils nourrissaient d'autres projets pour eux, du genre ambitieux.
Ils voulaient tout : les commissions, la dope, les bénéfices futurs et aucun témoin.
Celui que les trois autres appelaient «chef» sourit :
- Fin de l'aventure pour vous, les gars.
Ils les firent monter dans une BMW aux vitres teintées, leur enfilèrent des sacs en tissu sur la tête et les emmenèrent vers le nord, jusqu'à une planque. Quand on leur retira les sacs, ils étaient déjà prêts à vendre leur mère et faire une croix sur leur prime de risque. Ils inspirèrent un grand coup et ouvrirent grand leurs yeux.
En face, ils n'étaient plus quatre, mais six. Les nouveaux étaient des policiers français en uniforme. L'un d'eux était officier. Deux galons blancs trônaient sur ses épaules.
Le chauffeur de la Ford regarda autour de lui. Ils se trouvaient dans une cave d'une trentaine de mètres carrés sans fenêtre. Le mobilier se composait de trois chaises et d'une table. Les deux flics étaient appuyés contre un mur, près de la porte.
Il demanda :
- On est où, là ?
Le chef leva son index devant ses lèvres et murmura :
- Chuuut !