Du bruit dans la nuit

Auteur : Linwood Barclay
Editeur : J'ai lu

Paul, professeur d’université, n’est plus que l’ombre de lui-même après avoir été témoin d’une scène macabre huit mois plus tôt. Atteint de stress post-traumatique, il ne parvient pas à renouer avec une vie normale.
Pour l’y aider, sa femme l’encourage à noter les pensées qui le rongent avec la machine à écrire qu’elle vient de lui offrir. Mais bientôt, les nuits de Paul sont hantées par d’étranges bruits qu’il semble le seul à entendre : le clac-clac répétitif des touches. Et au matin, il découvre d’inquiétants messages…
Démence ? Paranoïa ? Machination ? Paul se voit projeté dans une enquête plus traumatisante que ses pires cauchemars…

Traduction : Renaud Morin
8,50 €
Parution : Avril 2022
Format: Poche
416 pages
ISBN : 978-2-2902-5174-4
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Extrait

La voiture s’arrêta sur le côté, à bonne distance de la chaussée. Les phares s’éteignirent. Paul se tenait à quelques mètres de là. Pour quelle raison Kenneth s’était-il arrêté précisément ici ? Il ne distinguait aucune allée privée, aucune maison dans les parages.
Il songea un instant à passer son chemin.
Ça suffit, ces cachotteries. Il faut que je voie si tout va bien.
Alors il vint se garer derrière la Volvo juste au moment où Kenneth en descendait. Sa portière était ouverte, et l’habitacle baignait dans une faible lumière.
Kenneth se figea. Son regard ressemblait à celui d’un détenu en train de s’évader surpris par le projecteur du mirador.
Paul baissa rapidement sa vitre pour se faire reconnaître.
— Kenneth, c’est moi !
Kenneth plissa les yeux.
— C’est Paul ! Paul Davis !
L’information mit une seconde pour monter à son cerveau. Après quoi, Kenneth s’avança d’un pas vif vers la voiture de Paul, la main en visière pour protéger ses yeux de l’éclat des phares. Au moment où Paul commençait à descendre de voiture, laissant le moteur tourner et les phares allumés, Kenneth lui cria :
— Bon sang, Paul, qu’est-ce que tu fous là ?
Son ton de voix déplut à Paul. Kenneth était agité, à cran. Les deux hommes se retrouvèrent à mi-chemin entre les deux véhicules.
— J’étais presque certain que c’était ta voiture. J’ai pensé que tu avais peut-être des ennuis.
Pas la peine de préciser que cela faisait des kilomètres qu’il le suivait.
— Tout va bien, pas de problème, rétorqua Kenneth d’un ton sec.
Son visage était parcouru de tics nerveux, comme s’il voulait retourner dans sa voiture mais se défendait de le faire.
— Tu me suivais ?
— Non... pas vraiment, répondit Paul.
Kenneth décela quelque chose dans son hésitation.
— Depuis combien de temps ?
— Quoi ?
— Depuis combien de temps tu me suis ?
— Je t’assure que je...
Paul ne termina pas sa phrase. Quelque chose à l’arrière de la Volvo avait attiré son regard. Grâce aux phares de sa voiture et au plafonnier du break, on apercevait, dépassant du bas de la vitre du hayon, ce qui ressemblait à un monceau de bâches en plastique transparent.
— Ce n’est rien, dit rapidement Kenneth.
— Je n’ai rien demandé, répliqua Paul en faisant un pas vers la Volvo.
— Paul, monte dans ta voiture et rentre chez toi. Tout va bien. Je t’assure.
Ce fut à ce moment-là seulement que Paul remarqua les taches sombres sur les mains de Kenneth, et les éclaboussures sur sa chemise et son jean.
— Bon sang, tu es blessé ?
— Non, ça va.
— On dirait du sang.
Paul s’avança vers la Volvo. Kenneth voulut
le retenir par le bras, mais Paul se dégagea. Il avait bien quinze ans de moins que Kenneth, et sa fréquentation assidue des courts de squash de la fac l’avait maintenu en bonne forme.
Arrivé devant le hayon, il regarda à travers la vitre.
— Bordel de merde ! s’écria-t-il, se couvrant soudainement la bouche avec la main, sur le point de vomir.
— Laisse-moi t’expliquer, dit Kenneth derrière lui.
Paul fit un pas en arrière, dévisagea Kenneth, les yeux exorbités.
— Comment... qui... qui est-ce ? 16

Kenneth chercha ses mots. — Paul...
— Ouvre.
— Quoi ?
— Ouvre-le ! répéta Paul en pointant le hayon du doigt.
Kenneth obtempéra. Une ampoule intérieure s’alluma, révélant les deux corps étendus dans la longueur, tous deux enveloppés dans du plastique, la tête contre le hayon, les pieds contre le dossier des sièges de devant. La banquette arrière avait été rabattue pour qu’ils puissent tenir dedans, comme s’il s’agissait de panneaux de contreplaqué achetés à Home Depot.
Malgré l’épaisseur du plastique et le sang qui déformaient leurs traits, on voyait bien que c’étaient deux femmes.
Paul les fixait, bouche bée, sidéré. L’envie de vomir avait fait place à l’effroi.
— Je cherchais un endroit, dit Kenneth calmement. — Un quoi ?
— Je n’avais encore rien trouvé. J’envisageais ces bois, là-bas, et puis tu as débarqué.
À ce moment-là, Paul remarqua la pelle à côté du corps de la femme, sur la gauche.
— Je vais couper le moteur, dit Kenneth, ce n’est pas bon pour l’environnement.
Paul crut qu’il allait sauter dans la voiture et prendre la fuite. Avec le hayon ouvert, s’il accélérait brusquement, les corps risquaient de glisser et de tomber sur le bas-côté. Mais Kenneth se pencha dans l’habitacle, tourna la clé de contact. Le moteur se tut.
Qui étaient ces deux femmes ? Paul se sentait paralysé, éprouvait un sentiment d’irréalité.

Un prénom lui vint à l’esprit. Sans qu’il sache exactement pourquoi.
Charlotte.
Kenneth le rejoignit à l’arrière de la voiture. Semblait-il plus calme? Était-il soulagé d’avoir été pris ? Paul le regarda, mais son attention fut de nouveau attirée par les corps.
— Qui est-ce ? demanda Paul d’une voix tremblante. Dis-le-moi.
Incapable de les regarder plus longtemps, il se détourna.
— Désolé pour ça, dit Kenneth.
Paul se tourna vers lui.
— Désolé pour...
Il vit la pelle que Kenneth brandissait, à la manière d’un club de golf, un dixième de seconde avant qu’elle n’atteigne son crâne.
Puis tout devint noir.

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