Sakari traverse les nuages

Auteur : Jan Costin Wagner
Editeur : Jacqueline Chambon

Un jeune homme, Sakari Ekman, approche de la fontaine de la place du Marché de Turku, petite ville de Finlande. Il est midi. Le soleil est au zénith. Nu, Sakari entre dans la fontaine. Le temps est suspendu à l’éclat de lumière qui se reflète sur la lame du couteau qu’il porte à la main. Il murmure qu’il est un ange.

Petri, le policier appelé sur les lieux, tente de le raisonner tout en s’approchant lentement de lui. Il a sorti son arme et ne comprendra que trop tard qu’il a tiré, tuant le jeune homme sur le coup. Petri a-t-il agi en légitime défense ? Kimmo Joentaa, chargé de l’affaire, devra le déterminer.

Pendant l’enquête, un incendie se déclare dans la maison voisine de celle de la famille Ekman et un des enfants qui y habitait disparaît. Kimmo se lance alors à sa recherche.

Dans une langue d’une beauté hypnotique, et une atmosphère d’une douceur qui contamine chacune des relations entre les personnages et chaque scène, Jan Costin Wagner parvient une nouvelle fois à redéfinir les codes du roman policier.

Traduit de l'allemand par Marie-Claude Auger
22,00 €
Parution : Octobre 2018
246 pages
ISBN : 978-2-3301-1334-6
Fiche consultée 36 fois

Extrait

C’est très simple. Sakari n’a qu’à ouvrir les portes qui ont toujours été là. Le problème, ce ne sont pas les portes, c’est lui-même, il a enfin trouvé le regard, la perspective juste, ce sont des portes dont les contours se dessinent, qui se détachent des murs dans la lumière que le soleil envoie.
C’est un matin frais, vif et clair, un matin qui, dans un souffle, parle du jour naissant, et tandis que Sakari passe d’une porte à l’autre, d’un monde à l’autre, en dialoguant avec la fée de l’aube, la nuit commence à s’estomper et avec elle l’obscurité qui l’enveloppait. La peur se fait souvenir, le souvenir imagination, l’imagination une pensée figée dont il peut rire.
Et il rit, à gorge déployée, il rit de la peur qui n’est plus qu’une idée, de la peur qui s’est figée, il se rit de la peur, des voitures qui l’éblouissent parce que, derrière leur volant, des conducteurs aveuglés tentent de rivaliser avec la lumière du soleil. Être plus lumineux que le soleil, voilà ce qu’ils veulent. Et l’un d’entre eux freine et baisse sa vitre en criant : « Dégage, crétin ! »
Cela fait rire Sakari, il rit des mots qui se perdent, des mots vains, des vociférations sourdes qui glissent sur lui, tombent lourdement sur le bitume, s’y étalent.
–Bon voyage! crie Sakari en faisant un signe d’adieu au conducteur et à sa voiture.
Il marche, dans des rues spacieuses, bifurque par moments, se fond dans les murs et, chaque fois qu’il revient sur les chemins qui s’ouvrent devant lui, la lumière du soleil devient un peu plus vive.
Mais avec la lumière reviennent aussi les gens, et avec eux la peur, l’exiguïté, il sent la présence des faux soldats, il sent l’onde de choc des détonations à venir et ne comprend pas pourquoi son chemin le conduit vers le centre-ville.
Il doit sortir de la ville, aller vers des espaces dégagés, tourner sur lui-même, mais la fée de l’aube dit : « Ne pose pas de questions, ne pense pas. Marche ! »
Alors il marche au-devant des gens, il commence à sentir le sourire se dessiner sur son visage, il commence à comprendre, à murmurer le mot.
Ange.
Sur la place du Marché, il achète une glace, une jeune fille souriante lui met le cornet dans la main, elle porte l’uniforme des marchandes de glaces, l’uniforme des bonnes soldates, il la remercie et, l’espace d’un instant, prend sa main dans la sienne, lui chuchote ce que dit la fée de l’aube et la fille le regarde, de ses grands yeux impénétrables. Il sourit, la glace en fondant lui rafraîchit la langue.
Au-dessus des nombreux petits jets d’eau, devant le centre commercial Stockmann, toutes les couleurs dansent. Il s’assoit sur le côté de la place et observe un moment les passants pressés avant de retirer ses vêtements.
Le mal se taira, l’ordre du monde sera rétabli. Il voudrait poser encore une question à la fée mais elle est déjà partie. Elle ne reviendra qu’aux premières lueurs du jour suivant.
Sakari empile soigneusement ses vêtements, pose ses chaussures, perpendiculaires à ses vêtements.
Il sort le couteau de son sac, se dirige lentement vers l’eau, avec toujours plus de calme et d’assurance, enjambe le rebord plat et entre sous les jets d’eau auréolés d’arcs-en-ciel.

Informations sur le livre