Lazare
Un appartement d’Oslo, dont l’occupant a été trouvé mort, dans un état de décomposition avancée. Quand la police investit les lieux, elle fait une autre découverte macabre : la victime était visiblement un profanateur de tombes qui collectionnait des “trophées”. Au nombre desquels le crâne de l’épouse de Joona Linna.
Quelques jours plus tard, une inspectrice allemande prend contact avec Joona pour solliciter son aide sur une troublante affaire de meurtre dans un camping aux abords de Rostock. Rien n’aurait pu le préparer au choc qui l’attend, car ce qui n’était d’abord qu’un pressentiment absurde va basculer irrémédiablement vers une certitude terrifiante : le redoutable tueur en série Jurek Walter est de retour. L’inspecteur sait qu’il ne lui reste qu’une chose à faire : mettre sa fille à l’abri. Et il ne peut compter sur l’aide de personne, car ses collègues le jugent en plein délire paranoïaque. Qui d’autre qu’un fou tremblerait devant un fantôme ? Mais tout le monde ne vit pas dans la même réalité. Si quelqu’un revenait d’entre les morts, certains crieraient au miracle, d’autres évoqueraient un cauchemar.
Plus noir que jamais, Lars Kepler, maître incontesté du thriller scandinave, est de retour avec la septième enquête de l’inspecteur Joona Linna.
Extrait
Prologue
La lumière qui se déverse du ciel blanc révèle le monde dans sa cruauté la plus nue, tel qu’il a dû apparaître à Lazare sortant de son tombeau.
Sous les pieds du pasteur, le pont en acier antidérapant vibre. Il garde une main sur le bastingage tout en parant le roulis avec sa canne.
La mer grise ondule paresseusement, comme une toile de tente qui se gonfle sous le vent.
Le bac est treuillé à l’aide de deux câbles tendus entre les deux îles. Les gros cordages métalliques sortent de l’eau, dégoulinants, avant de disparaître à nouveau dans les profondeurs derrière le bateau.
Le passeur freine, des gerbes d’écume se soulèvent dans le sillage et la passerelle glisse bruyamment vers le quai en béton. Le pasteur chancelle lorsque l’avant de l’embarcation touche
les défenses ; des coups sourds résonnent à travers la coque. Il vient ici prendre des nouvelles d’Erland Lind, le bedeau à la retraite. Celui-ci ne répond pas au téléphone et il n’a pas non plus assisté à la messe de l’Avent à l’église de Länna,
comme il le fait chaque année.
Erland habite toujours le logement réservé aux bedeaux der-
rière la chapelle de Högmarsö, qui appartient à la paroisse. Il est atteint de démence, mais on continue à le payer pour tondre le gazon et sabler les allées quand il y a du verglas.
Le pasteur emprunte le chemin de terre sinueux et sent son visage s’engourdir au contact de l’air froid. Il n’y a pas âme qui vive mais, juste avant d’arriver à la chapelle, il entend le son aigu d’une ponceuse en provenance de la cale sèche du chantier naval.
Il ne se souvient plus des versets de la Bible qu’il a postés sur Twitter ce matin, il voulait en parler avec Erland.
La chapelle blanche, qui se détache sur les mornes champs et la forêt, semble faite de neige.
Comme elle est fermée pendant l’hiver, le pasteur se rend directement à la petite maison basse du bedeau et frappe à la porte avec la poignée courbe de sa canne. Il tape des pieds par terre pour débarrasser ses chaussures de la boue et attend un instant avant d’entrer.
— Erland ?
Il n’y a personne. Il parcourt la pièce du regard. La cuisine est en désordre. Le pasteur ramasse un sachet de petits pains à la cannelle et le pose sur la table à côté d’un plat en aluminium avec des restes de nourriture : de la purée de pommes de terre craquelée, de la sauce séchée et deux boulettes de viande devenues grises.
Le vacarme de la ponceuse au bord de l’eau cesse.
Le pasteur sort, vérifie la porte de la chapelle puis inspecte le garage ouvert.
Une pelle couverte de terre est abandonnée sur le sol. Des pièges à rats rouillés sont entassés dans un seau en plastique noir.
Il se sert de sa canne pour soulever la bâche qui recouvre la fraise à neige mais arrête son geste en entendant un meuglement lointain.
Il ressort, avance jusqu’à la ruine de l’ancien crématoire à la lisière de la forêt. Le four est toujours là, dans les hautes herbes, avec sa cheminée noircie.
Le pasteur poursuit en contournant une pile de palettes sans pouvoir s’empêcher de jeter un regard par-dessus son épaule. Depuis qu’il est monté à bord du bac, il a un mauvais pressentiment.
La lumière manque de bienveillance aujourd’hui.
Le bruit étrange résonne de nouveau, plus près, comme un veau qui serait enfermé dans une caisse en acier. Il s’arrête et se tient parfaitement immobile.
Tout est silencieux, il expire de la vapeur.
Le sol derrière le tas de compost a manifestement été piétiné. Un sac de terreau est posé contre un arbre.
Il s’avance mais s’arrête devant un tuyau métallique enfoncé dans la terre, qui dépasse d’une cinquantaine de centimètres, peut-être une marque de limite de terrain.
S’appuyant sur sa canne, il tourne la tête vers la forêt et remarque un sentier recouvert d’aiguilles et de pommes de pin. Le vent parcourt les cimes des arbres, le cri d’un corbeau lointain retentit.
Le pasteur fait demi-tour, entend l’étrange meuglement derrière lui et se met à marcher plus vite. Il passe devant le four crématoire, la maison, et jette de nouveau un œil par-dessus son épaule. Il n’a qu’une seule envie : rentrer dans son presbytère pour s’installer devant un feu de bois avec un polar et un verre de whisky.