La fille sans peau
Nuuk, Groenland, 2014. Une découverte sensationnelle fait frémir la petite communauté : le corps d’un Viking est extrait de la glace, en parfait état de conservation. Mais le lendemain, le cadavre a disparu et on retrouve l’agent de police qui montait la garde nu et éviscéré comme un phoque. L’épouvantable procédé résonne funestement avec des affaires de meurtres non élucidées datant de plus de quarante ans.
Le journaliste danois Matthew Cave s’immerge dans ces cold cases, révélant le destin terrible de tant de fillettes de la communauté. Mais sa quête menace clairement les intérêts malsains de certaines personnalités importantes de l’île, et il comprend assez vite que sa curiosité risque de s’avérer fatale. Étrangement, la seule à qui il ose faire confiance est une jeune chasseuse de phoques groenlandaise récemment libérée de prison.
La Fille sans peau nous plonge dans un monde fascinant et hostile recouvert d’une couche de glace vieille de plus de cent mille ans, dont la beauté envoûtante cache une nature imprévisible et souvent meurtrière. Un arctic noir viscéral et addictif qui ne laissera personne indifférent.
Extrait
Prologue
Il était trempé de sueur. En toussant, il laissait échapper un bruit rauque. Comme un râle. Sa gorge était encombrée de mucus. On lui avait fourré un mouchoir dans la bouche. Il avait essayé de le mastiquer, de le recracher, mais on le lui avait tellement enfoncé qu’il bloquait ses mâchoires.
Son pouls cognait dans ses tempes. Comme si on le tabassait. Malgré le tissu qui lui recouvrait le visage, la lumière de l’ampoule du plafond lui brûlait les yeux. Le goût métallique dans sa bouche lui soulevait le cœur. Il respirait péniblement, l’air pénétrait dans ses poumons par à-coups. Sa salive formait des caillots, et il ne parvenait pas à les avaler. Il s’affaissa, serra les lèvres jusqu’à les faire blanchir.
La tête lui tournait, il retenait son souffle pour empêcher son estomac de se retourner.
Il n’osait pas bouger. La douleur était trop violente, les trous dans ses paumes lui envoyaient des éclairs dans les bras et dans les yeux.
L’air lui piquait le nez. Sa tête et ses poumons allaient exploser. Il manquait d’oxygène. Il avait des crampes dans la gorge. En respirant, il ne faisait qu’avaler des glaires.
Le métal froid d’une lame de couteau déchira son gilet et sa chemise. Il poussa un grondement sourd.
Les larmes coulaient dans sa barbe. S’il te plaît, pria-t-il. Ne me tue pas ! Mais aucun mot ne put franchir ses lèvres. Juste un gémissement rauque.
Un doigt traça une ligne sur son abdomen tendu. Il sursauta.
La douleur lui parcourut tout le corps. Pendant quelques secondes, le temps resta suspendu. Puis la lame du couteau lui déchira la peau du ventre, pénétra dans les tissus et remonta jusqu’au sternum. Le métal lui broya les os. Dans son corps tendu, tout céda. Sa peau. Sa chair. Sa vie. Incapable de crier, il laissa échapper un gargouillis, frappa sa tête contre le plancher, essaya de libérer ses mains clouées au sol. La morve lui envahit le nez, empêcha l’air de passer. Dans sa bouche, le mouchoir se remplit de sang. La lumière hurla. Disparut. Puis hurla de nouveau.