Mamammouth

Auteur : Zachary Schomburg
Editeur : Chambon

Les habitants de Tarteure souffrent d’un mal étrange : le « Doigt de Dieu » semble s’abattre sur eux, en les poinçonnant au hasard. À l’intérieur du trou bien propre laissé au milieu de leur poitrine apparaît un objet, chaque fois différent.

Lorsque sa mère, vivant dans l’eau de son bain, est victime du courroux suprême, l’univers du jeune Mano bascule. Accablé par le chagrin, il quitte l’usine de cigarettes où il était employé et commence à récolter chaque objet trouvé dans les défunts, qu’il greffe à son corps. Plus les morts se succèdent, plus le garçon disparaît sous les reliques pour laisser la place à une créature mi-humaine mi-mammouth. Et plus la société XO, nouvellement implantée dans la ville, s’impose comme une hydre tentaculaire dans la course à la spéculation funéraire.

Mettant en scène un large éventail de personnages plus fantasques, excentriques et hauts en couleur les uns que les autres, Mamammouth est un roman des corps face à la mort et au désir charnel, un conte fabuleux sur l’abandon et le lâcher-prise où l’inventivité foisonnante du romancier se déploie à l’infini.

Traduction : Nicolas Richard
23,00 €
Parution : Février 2021
359 pages
ISBN : 978-2-3301-4414-2
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Extrait

Si vous vous sentiez prêt à mourir, si vous vouliez vraiment la mort et aviez trop peu de raisons de vivre, Le Grand Ordonnateur exauçait votre souhait et vous tombait dessus. Il écrasait votre squelette en l’enfonçant dans le sol. Personne à Tarteure ne l’entendait tomber et personne ne savait quand il se redresserait pour reprendre sa position initiale. Mais il se redressait toujours pour reprendre sa position initiale. Le sang sur son écorce disparaissait avec la pluie.
Aux heures du petit matin, après le pire jour et la pire nuit de sa vie, Mano se traîna sur le long sentier à travers bois en direction du Grand Ordonnateur, partant de là où il s’était réveillé, près des berges de La Cure. Le Grand Ordonnateur grinçait et craquait comme s’il était sur le point de tomber. Le visage de Mano était dans ses mains. Ses orteils bougeaient dans ses chaussures. Il s’attendait à recevoir tout le poids sur l’arrière du crâne. Son squelette grinçait à l’intérieur de son corps, en attente. Il mit les mains sur ses flancs et leva la tête.
– S’il te plaît, je suis prêt à mourir, moi aussi.
Il savait toutefois qu’il lui faudrait être patient. Parfois, des jours entiers pouvaient s’écouler avant que Le Grand Ordonnateur prenne sa décision. Il s’empara d’un bâton et, comme un cheval, il le mâchonna. Avec la moitié du bâton encore non mâchonnée, il écrivit son nom dans la boue.
Mano Medium.

Mano était enveloppé dans le drap de sa mère. Un demi-nuage noir planait au-dessus de lui, à l’extrémité duquel il manquait un morceau. Le caniche à ses pieds était comme son ombre.
– Mano était un bon gars.
Mano essayait de parler avec la voix de sa mère. Il prit une voix plus aiguë et relâcha un peu les lèvres. Mais ce n’était pas ça. Il n’arrivait plus à se rappeler exactement le son de la voix de sa mère. Il essaya de nouveau.
– Pepe Let était un bon gars.
C’était un peu mieux, en insistant sur le son onnnn rond de « bon. »
– Pepe Let était un bon gars, répéta-t-il, en insistant cette fois-ci sur le « était ».
Mano n’était pas prêt à retourner à la ville. Il ferma les yeux et répéta le nom de Pepe à voix haute. Il ralentit nettement son débit, de sorte que sa voix ressemble à un craquement.

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