Un bon féministe

Auteur : Iván Repila
Editeur : Jacqueline Chambon

La révolution féministe sera violente ou ne sera pas…
Prenant conscience des combats encore nombreux à mener pour une égalité des sexes, "l’allié" décide de passer à l’attaque. Le prix à payer ? Devenir l’homme qui déteste le plus la femme qu’il aime.

Traduction : Margot Nguyen Béraud
22,00 €
Parution : Janvier 2021
256 pages
ISBN : 978-2-3301-4460-9
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La presse en parle

Roman satirique et politique, drolatique et érudit, provocateur et sincère, Un bon féministe devrait figurer sur la pile à lire de toute personne s'intéressant aux questions de genre.
Midi Libre


Un bon féministe est donc une poupée russe littéraire. On retrouve un peu de politique, un peu de sociologie, du trash et de l’humour noir, beaucoup de dystopie ainsi qu’un peu de romance tragique. Et le moment passé en compagnie de ce maelström est fort agréable !
Le Suricate Magazine

Extrait

Je suis le type le plus féministe du monde.
Cela dit j’ai mes contradictions. Présentement par exemple, mes cinq camarades et moi-même sommes en train de balancer des œufs sur un groupe de femmes nues, ou à moitié nues, qui manifestent devant l’hôtel de ville. Les deux premiers projectiles ont raté leur cible par excès de force, mais les suivants ont atteint pile à la tête et aux seins celles qui portaient la banderole principale. Je vois voler nos œufs comme au ralenti, dessinant une belle ellipse de bas en haut et de haut en bas, puis s’exploser et se transformer en bave collante, sans beauté, naturelle, alors je repense à la fronde de David et à la trajectoire de sa pierre avant qu’elle tuméfie la chair et rompe le cartilage de Goliath, et je ne peux m’empêcher de trouver que j’ai raison quand je dis que dans la violence, il y a quelque chose de platonique.
– Elle est trop bonne celle avec la chatte épilée, me dit Hugo.
Je ne saurais définir précisément le motif de cette manifestation, car cela fait des semaines que j’assiste à ce genre de choses et je finis par confondre, sans parler bien sûr de mes camarades ; donc en l’occurrence, j’ignore contre quoi et contre qui je lance des œufs. Ce pourrait être ma mère ou ma copine. Ou ma sœur. L’une de mes grands-mères est morte. Les CRS postés entre la manif et la contre-manif ont commencé à se raidir quand trois cents grammes de jaune sont venus teindre en orange les cheveux d’une blonde, mais comme la foule nous protège et que nous avons encore les poches pleines d’une douzaine de grenades ovoïdes, nous nous en tenons au plan. « Tant qu’il y en a, on continue. » C’est vrai que cette histoire d’œufs n’est pas très originale. Voire un peu pathétique, comparée à d’autres formes de guérilla urbaine en vigueur de nos jours, mais ça n’avait pas été difficile de convaincre le reste de l’équipe : les œufs, c’est pas cher, facile à trouver et à cacher, et l’offense qu’ils provoquent n’est pas assez grave pour risquer de sanction pénale, et puis, c’est l’image même de la virilité. « À bas les couilles, hein ? Eh bien v’là les nôtres ! – il me semble avoir dit – Ces œufs, c’est nos couilles, et nos couilles, c’est nous ! » Ils avaient adoré, surtout Donovan, que l’addiction aux anabolisants avait transformé en gros bébé de cent vingt kilos obsédé par ses parties génitales. Quand je dis gros bébé, c’est une blague entre nous : il a trente-cinq ans. Mais il habite toujours chez ses parents.
– Celle à gauche, avec les taches de rousseur, elle est trop bonne, me dit Hugo.
La tempête d’œufs a échauffé les esprits. Certaines femmes ont tenu tête aux policiers et à un groupe d’hommes qui essayaient de leur faire honte : rhabille-toi, vous êtes des putes ou quoi, ah si j’étais ton frère, non mais t’as vu comment t’es sapée, moi de mon temps. Les hommes [n’importe quel verbe conjugué à la troisième personne du pluriel] un tas de trucs. S’il y a bien une chose que j’ai apprise durant ces mois d’exposition continue au féminisme militant, c’est que peu importent leurs revendications, on peut toujours les taxer de femmes. Cela peut sembler grotesque, mais ça marche. Ça marche tellement bien que même face à un slogan a priori incritiquable du genre : « On ne naît pas femme, mais on en meurt », il est toujours possible de répondre, sans nuance ni préambule : « Vous avez bien dû le chercher. » Pas sur les réseaux, bien entendu, où l’agresseur est immédiatement déshonoré par la masse sociale du politiquement correct, mais dans la rue, protégé par tous ces visages consternés, comme dans un stade de foot. Participent à ce genre d’actions des hommes et des femmes de tout âge, classe et idéologie, et il est relativement facile de crier n’importe quoi, comme par exemple : « Retournez à vos serpillières », et repérer illico un visage ami, d’accord avec vous, un sourire complice, un clin d’œil. Toi-même tu sais, mon pote. Ça se passe comme ça. Nous aussi, les mecs, on sait se montrer solidaires.

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