Un pays obscur

Auteur : Alain Claret
Editeur : Manufacture Livres
En deux mots...

Après avoir été otage en Libye, Thomas tente de reprendre pied dans une maison isolée près d'une forêt. Mais une série de disparitions met bientôt sa raison à l'épreuve.

21,90 €
Parution : Septembre 2018
440 pages
ISBN : 978-2-3588-7251-5
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Présentation de l'éditeur

La vie de Thomas bascule sur le front de Libye, dans les caves où il est retenu prisonnier et attend d'incertaines tractations politiques. Ce sont des mois de solitude loin de la lumière du jour, avec ses souvenirs pour seul soutien. Après, ce sera pour le jeune journaliste le difficile retour au monde, la maison de son père où il se réfugiera, face à une mystérieuse forêt. Là, il tentera de reprendre pied. Mais c'est sans compter sur d'étranges disparitions de femmes et sur le retour dans sa vie de Hannah, son amour passé, qui se débat avec ses propres démons. Dans ce roman addictif, Alain Claret nous entraîne en ce pays obscur où les fantômes du passé et les ombres du présent se lient pour brouiller toutes les pistes et mettre sans relâche la raison à l'épreuve.

Extrait

La lune sortit d’un nuage et il vit la tête de son compagnon partir violemment en arrière ; ses yeux gonflèrent sous le choc, le haut du crâne se déchira et un flot de sang fusa dans l’air saturé de poussière. En même temps, Thomas regardait fixement la lucarne tachée de lueurs jaunes qui se découpait dans le toit et il comprit qu’il était dans sa chambre et qu’il ne craignait rien.
Il songea au regard bleu de son compagnon qui avait surgi de son crâne comme d’un volcan et il se rendormit.
Un peu plus tard c’est le tacatac sourd de la mitrailleuse de.50 qui le réveilla, les douilles brûlantes lui tombaient sur le dos et les épaules alors qu’il avait la tête dans le sable ; la poussière et la peur lui piquaient les yeux, la hanche de son compagnon se pressait contre sa cuisse et il sut qu’il ne se rendormirait pas.
La lune était entrée dans la chambre, le faisceau de lumière était froid comme l’intérieur de son corps. Il se tenait raide sous la mince couverture, le silence était si dense qu’il eut la sensation que du temps brut s’écoulait dans la pièce. Du temps, hors la vie, hors la mémoire, qui avançait des origines passant sur lui comme un orage sur un vêtement oublié sur un fil.
Regarder l’heure ne servirait à rien. Il renonça à dormir.
C’était les Forces Spéciales Libyennes qu’ils avaient eues en face d’eux, des soldats aguerris qui étaient sortis du désert dans leurs 4x4 couverts de peintures de camouflage. Mais les Rebelles étaient confiants à cause de leur mobilité et de la mitrailleuse de.50. Ils la mirent en position à l’entrée du village et scrutèrent le ciel à la recherche des avions de l’OTAN. Le ciel était vide et le soleil frappait le visage fatigué des hommes, faisait flamber les dents blanches dans leurs grimaces : des paysans, des boutiquiers, des jeunes Chabab, le torse ceint de cartouchières. Ils racontaient que Kadhafi donnait du viagra à ses troupes pour qu’ils soient plus féroces et violent leurs femmes, ils juraient en enveloppant la.50 de chiffons d’huile pour que le sable ne la grippe pas. C’était une bonne arme, il l’avait vue à l’œuvre à Misrata. Une.50 en enfilade dans une rue et plus rien ne passe, il faut attendre les chars ou l’aviation.
Il sortit les jambes du lit, posa les pieds sur le tapis et resta les coudes sur les genoux à regarder son ombre se découper sur le mur et à réfléchir à ce qu’il ressentait. C’était difficile et ça occupait ses jours et ses nuits depuis son retour.
Le jour, il avait l’impression de bander ses forces pour affronter les gens et la vie qui l’entourait, la nuit il revivait ce qu’il avait vécu. Les insomnies étaient bizarrement ce qu’il y avait de mieux. Au début, il dormait à l’hôtel ou chez des gens mais c’était pire alors il était revenu dans cette maison qui avait été le refuge de son père. La maison le réveillait comme une vieille amie qui se trouve délaissée.
La lune éclairait l’oreiller comme une page blanche. Sa tête et ses pensées n’y avaient rien laissé : des plis et de la sueur. Il essaya de penser à une femme qui y aurait posé la sienne, des vers que lui disaient son père lui revenaient par bribes : écho, parlant quand bruit on mène…
Le sniper avait touché son compagnon en premier. Le petit groupe de Rebelles qu’ils accompagnaient avait atteint le village à la faveur de la nuit, avançant à travers la ligne de front qui se déplaçait sans cesse. Ils avaient deux voitures bringuebalantes et une radio R-111 russe de 45 kg installée dans la benne du pick-up. Les Rebelles renseignaient comme ils pouvaient l’arrière des mouvements des Loyalistes. Ils cherchaient les colonnes de chars, l’artillerie mobile et tout ce qui pouvait servir de cible aux bombardiers de l’OTAN.

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