L'artiste
Un tueur en série s'en prend aux artistes parisiens, transformant chacune de ses scènes de crime en œuvre d'art. L'inspecteur Heckmann est chargé de l'enquête.
Présentation de l'éditeur
2001. Les nuits parisiennes voient naître un nouveau monstre. Un serial killer s'en prend aux artistes, transformant chacune de ses scènes de crime en oeuvre mêlant esthétisme et barbarie. L'inspecteur Heckmann, flic vedette du moment, se retrouve en charge de cette très médiatique affaire et se lance dans la traque. Mais bientôt il lui semble que tous ces crimes ne sont qu'un moyen pour le tueur de jouer avec lui... Avec ce roman policier, Antonin Varenne révèle une fois de plus son incroyable talent à nous entraîner dans une course infernale où ses personnages doivent lutter contre leurs propres démons autant que contre le fracas du monde.
Extrait
Paris grandit haubans de soleil balayaient les rues et les toits de zinc, faisaient briller les vitres des vieilles huisseries, et passèrent un instant sur un vieil immeuble de trois étages aux enduits fissurés. C’était un morceau usé du quartier, coincé entre deux barres neuves de béton, une dent cariée sur laquelle on continue de mâcher. De ses gouttières en dentelle, brill Bar du Matin, restèrent accrochées les couleurs d’un lever de soleil peint à la main. Le nom de l’établissement était aussi peint à la main, en lettres dégoulinantes, par un artiste local payé au verre. Devant l'entrée, un grand homme maigre agitait ses longs bras tatoués. Deux flics en uniforme l'encadraient, eux-mêmes cernés par des parasols Kronenbourg déchirés, des tables et des chaises renversées, couverts de gouttelettes argentées. Entre les éléments épars du mobilier chaviré, un sac caoutchouteux, noir et luisant, gisait. Deux hommes en blouse blanche déposaient sur un brancard une jeune femme inanimée. Le trottoir était mouillé, gras et glissant. Autour de la terrasse foudroyée, une poignée d'agents nerveux contenait la foule qui débordait sur le boulevard. On se tordait le cou et on se bousculait pour voir. Un véhicule de réanimation du SAMU s'éloignait sirène hurlante.
De l'autre côté du boulevard de Ménilmontant, là où finit Belleville et où commence Paris, un vieux coupé Mercedes noir se gara. Un homme blond, costume clair et tête haute, en descendit et traversa la chaussée tête haute. Virgile Heckmann fendit la foule en brandissant sa carte tricolore, un agent du cordon s'écarta pour laisser le lieutenant entrer dans le cercle. La confusion y régnait. Heckmann fit signe à un jeune agent, qui se faufila entre les meubles valdingués et se présenta au rapport, les doigts sur ses coutures de pantalon. Le bleu connaissait le lieutenant de réputation ; protégé du ministère, appelé à une grande carrière. Heckmann, flic sans humour.
- C'est pas beau, lieutenant. Une fille qui a tenté de se suicider. On ne savait pas qui appeler.
Le jeune flic était émotif. Heckmann jeta un coup d'œil à la femme inconsciente qu'on roulait dans un véhicule d’urgence. Il ne comprenait pas non plus ce qu’il faisait là, les suicides ne le regardaient pas, encore moins ratés.
- Mais comme un des deux enfants est mort, on s'est dit que c'était pour vous.
Heckmann se retourna. Pourquoi n’avait-il pas remarqué plus tôt le sac noir ? Parce qu’il semblait vide, à peine rempli par le corps à l’intérieur ? Il observa encore, refit le compte des acteurs, leva les yeux vers les fenêtres, les baissa sur la terrasse éclatée. Le jeune gardien de la paix avait les lèvres blanches. S’il ne l’avait déjà fait, il allait vomir.
- L'autre gamine est mal en point, elle est déjà partie à l'hôpital. La mère est inconsciente. Elle a sauté du deuxième, sur la terrasse, avec ses deux mômes dans les bras, lieutenant.
Virgile Heckmann accusa le coup, serra les dents.
- CRS de Belleville. Dispersez la foule.
La netteté de l’ordre redonna un peu d’assurance au bleu. Le soleil repassa sur la terrasse et l’immeuble, soulevant les parfums de la ville mouillée, mélange d'hydrocarbures, de cuisine et de poubelles. Le SAMU emporta la mère, sirène à plein volume. Heckmann marcha jusqu’au sac, s'accroupit et tira sur la fermeture Eclair. Un gamin de trois ou quatre ans, crâne défoncé, baignant dans son sang que le plastic retenait précieusement, l’empêchant de se mêler aux odeurs du trottoir.