J.E. Hoover confidential
Avec un réalisme féroce, Anthony Summers nous fait revivre plus de cinquante ans d'histoire de la part obscure des États-Unis à travers le destin de J. Edgar Hoover, patron du FBI de 1924 à 1972.
Présentation de l'éditeur
Puritain conservateur, acharné de la chasse aux « Rouges », raciste décomplexé, antisémite, J.E. Hoover sera le patron du FBI de 1924 à 1972. La montée de la criminalité pendant la crise de 29 fera sa légende Il transformera peu à peu le FBI en police politique archivant grâce aux progrès de la technologie les écoutes, données privées et empreintes digitales de quelques 159 millions d'individus. Il a traqué toutes les « sorcières » possibles et imaginables, privilégiant les cibles en vue et ne négligeant aucun recoin de leur vie privée. Craint de huit présidents qui essayeront de le démettre ou de l'éloigner, Hoover se passionnait pour les déviances idéologiques ou intimes, mais il combattait fort peu le crime organisé. Ce puritain conservateur cachait un homosexuel honteux. A sa mort, les dossiers de l’homme qui avait passé sa vie à espionner l’Amérique ont disparu. Pouvait naître la légende de ce personnage digne des romans de James Ellroy et qui a été incarné à l’écran par Leonardo Di Caprio.
Extrait
Prologue : le mythe
8 octobre 1971, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche.
Le président des États-Unis, son ministre de la Justice et ses principaux conseillers débattent d’un problème complexe concernant un vieil homme, dont le chef d’État a peur :
RICHARD NIXON : Pour un tas de raisons, il faut qu’il démissionne… Il doit foutre le camp d’ici… Peut-être que… mais j’en doute… peut-être que si je l’appelle et lui dis de démissionner… Ça pose des problèmes… S’il s’en va, il faut que ce soit de sa propre volonté… C’est pour ça qu’on est dans la merde… Je pense qu’il va rester jusqu’à ce qu’il soit centenaire.
JOHN MITCHELL : Il va rester jusqu’à ce qu’on l’enterre ici. L’immortalité…
RICHARD NIXON : Je crois que nous devons éviter qu’il s’en aille sur un éclat… Nous avons sur les bras un homme qui peut faire écrouler le temple avec lui… y compris moi… Ça va être un problème.
Sept mois plus tard, le 2 mai 1972, le « problème » du président est résolu avec le décès de J. Edgar Hoover, directeur du FBI, mort en service à l’âge de soixante-dix-sept ans.
Le gardien aurait trouvé le corps étendu à côté du lit à colonnes de sa maison de Washington : à première vue, il s’agissait d’une simple attaque cardiaque survenue pendant la nuit. On ne fit pas d’autopsie.
Cependant, dans la capitale fédérale, quelqu’un de puissant se sentait menacé par Hoover, même mort. Lorsque les employés des pompes funèbres arrivèrent sur les lieux pour emporter le corps, un spectacle extraordinaire les attendait. En haut des marches, un vieil homme assis dans un fauteuil regardait dans le vide. Tout autour de lui des jeunes gens allaient et venaient, sortaient et entraient dans les pièces, se livrant à de mystérieuses occupations. Quatre heures à peine après la découverte du cadavre, ces individus fouillaient la maison de fond en comble. Ils pillaient les tiroirs, enlevaient un à un les livres des étagères, les feuilletaient puis se les passaient. Le vieil homme dans son fauteuil, le plus proche ami du défunt – son amant, disaient certains – semblait inconscient de ce remue-ménage.
Le lendemain, le corps de J. Edgar Hoover fut transporté en grande pompe au Capitole et placé sur le catafalque noir qui avait servi dans le passé pour Abraham Lincoln et huit autres présidents. A l’intérieur, les citoyens défilèrent pour présenter leurs derniers hommages, au rythme d’un millier par heure. A l’extérieur, quelques centaines de manifestants scandaient la « litanie de guerre » : la liste des noms des 48 000 Américains tués au Viêt-nam. Mêlés à la foule, dix hommes de Nixon étaient chargés de provoquer des incidents pour dissoudre le rassemblement. Parmi eux se trouvaient des exilés cubains impliqués dans de précédents rassemblements et qui devaient bientôt être pris en flagrant délit dans l’affaire du Watergate. Tandis qu’ils attendaient ce soir-là à quelques mètres du Capitole où il reposait, deux d’entre eux parlèrent du défunt. L’un d’eux étonna son camarade. Selon lui, la maison de Hoover avait été la cible d’un récent cambriolage à l’instigation de la Maison-Blanche. Puis il se tut. En dire plus, avoua-t-il, aurait été « dangereux ».
La veille, dans le bureau ovale, le président Nixon aurait accueilli la nouvelle de la mort de Hoover par un long silence, puis il aurait dit : « Nom de Dieu ! Ce vieil enculé ! » Un de ses assistants se souvient qu’à l’exception de cette exclamation le président n’avait fait preuve d’aucune émotion.