Le nageur d'Aral

Auteur : Louis Grall
Editeur : Manufacture de Livres

"Peut-être as-tu gardé souvenir de cet homme qui à soixante-dix sept ans s’était noyé en plongée ? Viens au monastère passer quelques jours, il me faut te raconter son histoire. Il te sera difficile d’y croire, mais sache qu’elle est parfaitement vraie. C’est à moi qu’il revient de te révéler des faits qui datent de plus de cinquante ans. Des faits que nous avons couverts d’un silence absolu jusqu’à présent."
Le destinataire de ce message rejoint le monastère de Landevennec où lui sera conté le destin d'un mystérieux étranger, hébergé là au nom de cette règle millénaire qu'est le droit d'asile. Ce roman est son histoire, retranscrite dans une langue d'une poésie brute, mélopée intimiste faisant écho au chant de la nature.

12,90 €
Parution : Juin 2021
144 pages
ISBN : 978-2-3588-7664-3
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Extrait

Au fond de l’abri marin se tient retiré le monastère. Landévennec, du breton lan, ermitage, et tevenneg, lieu abrupt. En venant de Brest vers la presqu’île de Crozon, l’automobiliste le découvre un instant dans un virage.
Cet instant, trop bref, combien de fois l’ai-je vécu, enfant puis adulte ? Ce coude que forment la mer et la rivière Aulne, j’aurais voulu le franchir d’un trait tel un oiseau marin. Seul et silencieux, j’aurais volé vers le havre mystérieux à la silhouette épurée.
Guidé par le reflet doré de ses pierres, je me serais posé à son pied, sur la pente du pré. Mais déjà la fenêtre se fermait et la voiture m’emportait vers d’autres rivages, et j’oubliais.
Parfois je m’y rendais en famille ou avec des amis. Le monastère se méritait, car il fallait franchir le pont et rouler plusieurs kilomètres pour parvenir au promontoire et descendre la pente du chemin bitumé aboutissant au parking.
L’entrée à pied sous la voûte des arbres, le silence lumineux à l’intérieur de l’abbatiale, la visite de la librairie me laissaient insatisfait. J’aurais voulu ce plaisir pour moi seul.
– Mais il est trop tard pour te faire moine ! me disait malicieusement mon épouse.

Cependant, l’idée qu’il n’est jamais trop tard s’insinua peu à peu en moi au fil des ans. Un soir de Noël, j’assistai en famille à une messe de minuit dans l’église du lieu saint.
Un matin de Nouvel An, j’accomplis une marche pour la paix dans les bois alentour. Puis je connus Luc, frère Luc, le moine poète.
Puis j’oubliai de nouveau.

Il y a deux ans, frère Luc m’écrivit une lettre étrange qui réveilla mon semblant de vocation. « Peut-être, me disait-il, as-tu gardé souvenir du décès de cet homme qui avait créé une petite école de yole au Passage à Rosnoën, et qui s’était noyé en plongée ? Viens à l’hôtellerie du monastère passer quelques jours. C’est important. Il me faut te raconter son histoire, j’en suis chargé par la communauté. Il te sera difficile d’y croire, mais sache qu’elle est parfaitement vraie. C’est à moi qu’il revient de te révéler des faits qui datent de plus de cinquante ans. Des faits que nous avons couverts d’un silence absolu jusqu’à présent. C’est à toi, et à toi seul, qu’il reviendra d’en prendre connaissance, ici même où ils ont eu lieu. Viens, nous t’en prions. »

Rien que cela ? J’ai dit oui bien sûr.

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