L'Affaire Dan Kooper
Novembre 1971. Dan Cooper devient le plus mystérieux des pirates de l’air. Après avoir détourné un Boeing, il saute en parachute au-dessus des forêts de Portland et disparait à tout jamais avec sa rançon. Pour le journaliste Mark Anderson, cette affaire est une obsession : pendant 45 ans, il a mené l’enquête, essayé de doubler la police, épluché les rapports... Et alors que le FBI décide de classer l’affaire, Anderson entend parler d’un nouveau témoin essentiel. L’occasion de replonger dans ses notes et de revenir sur les interrogatoires de ceux qui, chacun à leur manière, racontent le mystère Cooper et réinventent le mythe du hors-la-loi.
Dans ce roman, Pierre Mikaïloff s’approprie l’une des plus légendaires affaires criminelles américaines. À travers la vie de quelques anonymes, il nous dresse en creux un portrait de l’Amérique, de ses chercheurs d’or contemporains, de ses monstres et de ses doutes.
Extrait
Ne cherchez pas mon nom dans l’annuaire, il n’y figure pas et n’y a jamais figuré. Pour les plus jeunes d’entre vous, il n’évoque rien, pour ceux qui étaient en âge de lire les journaux au début des années soixante-dix, il reste associé à un fait divers célèbre. J’ai inspiré des dizaines de personnages de fiction, j’apparais dans des séries télé, des films, des romans, des documentaires, des chansons, des bandes dessinées… Dans le hameau d’Ariel, la patronne d’une taverne a même créé un D. Cooper Day en mon honneur. Tout ça, parce que depuis cinquante ans, je demeure une putain d’énigme !
Le moment est venu de raconter mon aventure telle que je l’ai vécue, et non telle que les journalistes et autres fouineurs l’ont écrite. Quand elle commence, le 24 novembre 1971, je suis un mâle américain au faîte de sa productivité, un vrai cliché publicitaire. Cheveux courts, costume-cravate, attaché case : je corresponds tellement au stéréotype du cadre trentenaire de race blanche que je me fonds dans le décor.
En cette veille de Thanksgiving, un pâle soleil éclaire le parking du Portland International Airport où j’abandonne ma vieille Ford. Après avoir extrait mon unique bagage du coffre, je jette le ticket de parking – je n’en aurai plus besoin – et me dirige vers le hall d’embarquement. Je cherche des yeux le comptoir de la Northern Airlines. Une charmante hôtesse m’annonce que le Vol 505 décollera à l’heure.
À l’époque, le contrôle des passagers est une simple formalité : vous pouvez introduire un bazooka dans un jet du moment que vous n’êtes pas en surpoids. C’est tout juste si la fille qui vérifie les billets accorde un regard à la mallette que je demande à garder en cabine. J’ai beau avoir répété l’opération des dizaines de fois dans ses moindres détails, je suis un peu ému en gravissant les marches qui mènent à la cabine. Vous conviendrez que ce n’est pas tous les jours qu’on détourne un Boeing 727.