Un corps tropical

Auteur : Philippe Marczewski
Editeur : Inculte-Dernière Marge

Dans une ville du Nord, un homme sans grandes qualités se découvre un imaginaire exotique en plongeant dans la piscine à vagues artificielles d’un parc tropical. Séduit par cette ambiance humide et chaude, son corps palpe un bien-être inconnu. Le jacuzzi éveille en lui des désirs de tropiques, et l’impression de fuir sa vie morne et banale.
Lorsqu’il accepte de livrer un colis à Madrid pour le compte d’une cliente énigmatique, il s’embarque dans une quête de dépaysement dont il perd rapidement le contrôle – mais l’a-t-il jamais eu ? Il devient le jouet de manigances obscures qui le jettent dans des péripéties auxquelles il n’aurait jamais osé aspirer. Lesquelles outrepassent bientôt tous ses rêves – voire ses pires cauchemars.

Un corps tropical est le roman des aventures d’un candide contemporain. Sans se départir d’une bonhomie têtue, il découvre l’envers des mirages touristiques, des eldorados sous cloche et des exotismes de brochures commerciales. Loser magnifique lancé malgré lui dans le tourbillon du monde, il fait l’épreuve de sa brutale réalité, des conflits et des trafics en tout genre, au fil d’une épopée absurde, et désopilante.

19,90 €
Parution : Août 2021
400 pages
ISBN : 978-2-3608-4122-6
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Extrait

Moi qui ne quittais jamais les plaines tempérées, j’aimais prendre la voiture et faire l’heure et demie de route qui menait à la piscine à vagues du parc tropical, construit en bordure d’une petite ville déliquescente, sur les terrains désaffectés des anciens laminoirs. Il fallait remonter la longue rue qui tenait lieu de centre, où s’alignaient parmi les commerces faillis quelques épiceries de nuit, des salons spécialisés dans la pose de faux ongles et des revendeurs de coques protectrices pour téléphones portables, avant d’apercevoir le dôme translucide flanqué de toboggans rouges et jaunes, et tout autour, des parterres bordés de buis taillé en boules irrégulières. Comme elle touchait au but, la rue bifurquait à angle droit et contournait une ancienne friche industrielle où des immeubles en construction paraissaient déjà vieillis, avec leurs murs de béton blanc inachevés couverts de poussière et de rouille. Le ruban de tarmac serpentait ensuite dans un quartier de maisons ouvrières étroites, accolées les unes aux autres sans jardin ni cour, et pour certaines si vétustes qu’on avait muré les fenêtres et placardé des avis d’insalubrité sur les portes. Enfin j’atteignais l’entrée du parking, à l’arrière de la piscine du parc tropical, avec son revêtement lisse et ses places tracées à la peinture blanche. La voiture semblait glisser comme sur une piste de danse, glisser déjà vers le confort et la volupté, entre les parterres bordés de buis, pour arrêter sa course face à de grandes baies vitrées. De l’autre côté, tout semblait différent, une île dans la ville et ses vestiges, sans poussière ni rouille, un jardin d’éden pour des corps en maillot de bain plongés dans une chaleur humide qu’il me tardait d’éprouver, moi aussi.
Lorsque j’allais passer du temps dans la piscine à vagues du parc tropical, c’était toujours seul, et je n’en disais jamais rien à personne, pas même à la femme chez qui je vivais. Je me contentais souvent de l’informer de mon absence, au prétexte d’une réunion imprévue de la plus haute importance qui me tiendrait loin de chez elle. Je rentrerai chez toi plus tard, disais-je. Je ne lui disais jamais chez nous, et rarement à la maison, car il était bien établi que je vivais chez elle. Lorsque nous avions décidé de vivre ensemble parce qu’elle attendait un enfant, la maison qu’elle avait achetée nous avait paru plus adaptée que le petit appartement que je louais. J’avais alors contracté un emprunt pour effectuer quelques aménagements, et de la même manière que cet emprunt m’incombait à moi seul, la maison était restée sa propriété exclusive. Ne m’attendez pas pour le repas, disais-je, et sitôt le téléphone raccroché, je quittais en avance le bureau et prenais la voiture pour faire l’heure et demie de route qui me séparait de la piscine à vagues du parc tropical, où je passais un long moment.

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