Les âmes rivales
Louisiane, 1975. Dans la pénombre de l’église, une fillette supplie le prêtre de l’aider : un homme étrange qui se dit son ami la suit partout, mais elle est la seule à le voir, personne ne la croit ! Elle s’appelle Cassandre, elle est terrifiée, et le prêtre ne trouve pas les mots... la fillette s’enfuit.
Dix ans après, à New York, quand Cassandre tombe follement amoureuse, la peur revient : le fantôme qui la hante depuis son enfance n’acceptera jamais de rival...
Mystère, amour et émotions fortes... Ce premier roman d'un réalisateur français adopté par Hollywood est un coup de maître.
Extrait
Brooklyn
New York
Été 1983
Quand Thomas Wells ouvrit les yeux, son corps était en sueur. Pourtant, il était glacé d'effroi. Allongé dans un compartiment cylindrique, il venait de subir un scanner. Mais l'examen médical n'était pour rien dans son état. Il avait fait un cauchemar, bien que parfaitement éveillé.
Cela se produisait de plus en plus fréquemment. Des rêves envahissaient sa conscience. Cela pouvait lui arriver n'importe où : au travail, dans le métro, à table. Et n'importe quand, y compris la nuit, durant ses longues heures d'insomnie. Il avait essayé les somnifères, bien sûr. Mais l'état cotonneux dont il héritait le lendemain le rendait encore plus vulnérable à ses visions.
En désespoir de cause, il avait poussé la porte du NYU Sleep Lab. Le docteur Jeffrey Young, un ami de longue date, dirigeait le centre d'étude des troubles du sommeil de la célèbre université. Thomas avait exigé de passer un scanner. Secrètement, il craignait que ses «rêves éveillés», comme il préférait les appeler, soient en fait des hallucinations provoquées par une tumeur au cerveau.
Jeffrey avait accepté à condition que Thomas consente à la cure de sommeil qu'il préconisait. Trois jours de narcose profonde et prolongée, sans réveil, devaient lui permettre de se régénérer mentalement et d'apaiser son esprit assoiffé de repos. Ils avaient surtout pour but de le débarrasser des hallucinations dues, selon le médecin, à sa carence en sommeil.
Mais il fallait se rendre à l'évidence. La cure avait échoué. Les «rêves éveillés» étaient toujours là. Thomas allait-il avoir le courage de l'avouer à son ami ?
- Aucun signe de lésion, fit une voix à l'extérieur du container. Tes circonvolutions cérébrales sont aussi fraîches que celles d'un nourrisson.
Le lit glissa lentement hors du cylindre. Thomas se redressa. Les mots «Melly 4 Ever», tatoués sur son biceps droit, trahissaient la présence de quelqu'un dans sa vie.
Mal rasé, les cheveux en bataille, Thomas avait un physique de mauvais garçon, malgré ses trente et un ans révolus. La rue lui avait taillé juste assez d'épaules pour y survivre et suffisamment d'emmerdes pour avoir une furieuse envie de la quitter. Les lunettes qu'il chaussa sur son nez et les livres qu'il collecta sur le banc attestaient de cette conversion réussie.
Thomas enfila un T-shirt, sortit un paquet de Lucky Strike de sa poche et porta une cigarette à ses lèvres... Jeffrey désapprouva en grimaçant.
- Moi ce n'est pas au cerveau que je la chercherais, ta tumeur, lança-t-il avec une décontraction qui faisait froid dans le dos.
De quoi vous dégoûter momentanément de votre dose de nicotine, pensa Thomas.
- Ton électro encéphalogramme est parfait. Tes analyses aussi... Le plus inquiétant, ce sont les courbes enregistrées pendant ta cure de sommeil.
- Qu'est-ce qu'elles ont ?
- Tes ondes alpha et delta sont plates. Autrement dit, tu ne rêves pas.
- Tu plaisantes ! Je fais des cauchemars, même en plein jour. Je viens d'en faire un, là, pendant que tu m'entubais.
Jeffrey sourit au raccourci de Thomas pour évoquer le scanner.
- Là, maintenant ?
Thomas hocha la tête. Jeffrey vérifia l'encéphalogramme.
- Aucune trace sur l'EEG... Si j'en crois ton organisme, il ne s'est rien passé.