Lara Tome 3 - la Danse Macabre
Lara est désespérée depuis l’enlèvement d’Olivier. Sa jeune soeur Fantou se ronge elle aussi d’angoisse pour Daniel, l’homme qu’elle aime et qui a également disparu. Ce sont des heures éprouvantes, qui exaspèrent les esprits et font naître de nouveaux soupçons.
Quant au commissaire Nicolas Renan, il se débat au sein d’une enquête de plus en plus complexe, sur laquelle se greffent les sautes d’humeur de sa maîtresse, Loïza.
La plus grande incertitude règne sur le sort des disparus et chacun se demande quelle terrible vérité se dissimule derrière la machination visant à détruire Olivier.
Un dernier volume au rythme haletant, riche en rebondissements, qui lève enfi n le voile sur les mystères qui ont plané des années sur le Morbihan.
Extrait
Au large des côtes bretonnes, mercredi 11 juillet 1951
Olivier éprouva un vif soulagement en respirant l’air frais aux fortes senteurs marines, qui l’assaillit à peine arrivé sur le pont. Il entendait le choc des vagues sur la coque du bateau. La mer était forte, houleuse. En bon marin, il avait pu estimer la distance parcourue depuis l’embarquement.
« Nous sommes sur l’océan, songea-t-il. Loin des côtes. »
Le canon de revolver qu’on pointait entre ses omoplates l’exhortait à la prudence, pourtant il avait envie de se retourner et de désarmer l’homme debout derrière lui. Mais il n’était pas en position de tenter un acte désespéré. Les yeux bandés, bâillonné, ses gestes étaient restreints par les menottes qu’on lui avait passées.
— Quelle chance, il ne pleut plus, fit une voix froide, toute proche. Ce qui va suivre aurait été moins plaisant à fond de cale.
Le timbre bas, monocorde, comme dépourvu de la moindre nuance d’humanité, lui était devenu familier. Il ignorait combien de jours au juste il avait été séquestré, mais il avait été mis à l’isolement dans une pièce obscure et c’était cet individu qui lui apportait de l’eau et du pain, par un guichet. Une chose venait de changer aujourd’hui, il se trouvait désormais sur un bateau et non plus sur terre.
Il enragea d’être de nouveau condamné au silence, aveuglé de surcroît.
— Je vais tout vous expliquer, ajouta Magnus Barry. Ne tentez rien, sinon je tire.
« Un peu plus tôt, un peu plus tard, pensa Olivier. On va me tuer et balancer mon corps en haute mer. »
Le seul sens dont il disposait était l’ouïe. Il nota le grondement d’un moteur puissant dans les entrailles du bateau, sans doute un modèle d’une taille conséquente. Malgré le sifflement du vent et la rumeur de l’océan, il perçut aussi l’écho d’un sanglot terrifié.
— Arrêtez-vous ici ! ordonna Barry. Quelqu’un tient à vous parler. Ce sera à l’aide d’un mégaphone, depuis la cabine du pont supérieur. Je dois vous ôter le bâillon, mais à une condition. Ne hurlez pas, ne protestez pas, contentez-vous de répondre.
La situation était aberrante, presque surréaliste. Olivier avait largement eu le temps de réfléchir et il en revenait toujours à la même conclusion. Ceux qui avaient cherché à lui nuire dès la fin de la guerre le tenaient enfin.
« Je n’en réchapperai pas, se dit-il. Je voudrais juste savoir ce que j’ai pu faire à ces gens. »
Alors que les doigts habiles de Barry commençaient à dénouer le bâillon en tissu, le jeune homme eut la certitude qu’il allait être exécuté d’ici peu. Il revit à une vitesse folle, à l’instar d’un film en accéléré, les circonstances de son enlèvement, puis sa captivité.
« Ce gendarme, Auffret, a fait monter un type à l’arrière de la voiture où j’étais assis, à cinq cents mètres à peine de la villa. Je ne comprenais pas, j’ai cru que l’inconnu allait peut-être nous livrer ce fameux élément nouveau, au sujet de mon affaire. Mais il m’a tout de suite menacé d’un revolver et a sorti un linge imprégné de chloroforme, ensuite il a dû m’assommer. J’ai repris conscience dans cette maudite pièce noire. J’ai perdu la notion du temps, je ne sais même pas quel jour on est… »
Débarrassé du bâillon, il faillit crier de rage, mais il se domina. Barry insista tout bas :
— J’ai ordre de vous abattre si vous dites un seul mot sans y avoir été autorisé. Avez-vous compris ?
Olivier ne tomba pas dans le piège. Il hocha la tête pour signifier son accord. Afin de garder son calme, il se concentra sur les bruits qui l’assaillaient, car, pendant son confinement, le silence lui avait paru une torture. Quelqu’un pleurait, une femme. Submergé par une peur atroce, Olivier pensa à Lara, ou à sa mère, Madeleine. Mis au supplice par le doute, il serra les lèvres, le cœur cognant à grands coups sourds.
Soudain une voix s’éleva, amplifiée et déformée par l’usage du mégaphone.
— Monsieur Kervella, lui disait-on, vous avez été un brillant combattant de l’ombre, durant quelques mois. Manier une arme ne vous dérangera pas. Il y a en face de vous, sur le pont de mon bateau, des gens dont je n’ai plus besoin. Ce sera à vous de les exécuter. Un par jour. Répondez !