Les enquêtes de Maud Delage: tome 1
Un livre, deux enquêtes à haut risque
Du Sang sous les collines
Les corps d’un jeune couple de marginaux sont retrouvés dans un souterrain proche d’Angoulême. Nouvelle recrue à la gendarmerie, Maud Delage enquête sur ce double meurtre avec l’aide de ses collègues, Irwan et Xavier. Jusqu’où la jeune policière est-elle prête à aller pour ne pas être la prochaine victime ?
Un Circuit explosif
Un coureur automobile, riche industriel et self-made man, participe au Circuit des remparts, compétition se disputant dans le vieil Angoulême. Soudain, son véhicule explose sans raison apparente. Selon toute vraisemblance, le pilote a été victime d’un attentat. Maud devra déployer toutes ses ressources pour trouver la clé de l’énigme. D’autant que de nouveaux crimes surviennent…
Extrait
Puymoyen, vallée des Eaux-Claires, octobre 1995
Franck Drugeon n’en finissait plus de rappeler sa chienne qui n’avait pas encore appris les bonnes manières.
— Mina, viens ici, et vite !
L’animal n’avait que six mois, un trop-plein d’énergie à dépenser et une envie folle de se dégourdir les pattes. Rien d’étonnant : elle passait ses journées dans une cour, et ses parents étaient des bergers allemands du genre colosses à la dent dure.
— Mina, vas-tu obéir ! Tu vas finir par te perdre dans ces broussailles, et puis ta copine Vénus n’en peut plus !
L’homme se dit pour la troisième fois de la matinée qu’il avait fait une erreur en prenant cette jeune bête qui avait besoin d’une poigne plus rude que la sienne. Il commençait sa deuxième année de retraite et aurait mieux fait de se contenter de sa douce Vénus, une chienne setter âgée de neuf ans.
En plus, Mina ne tenait pas en place, ce qui obligeait Franck, en maître consciencieux, à battre la campagne tous les jours. Autour d’eux, la vallée des Eaux-Claires semblait s’éveiller. C’était une belle matinée d’octobre, les noisetiers jaunissaient, un peu de brume s’attardait au-dessus des falaises.
Un mardi comme un autre, avec un agréable parfum d’automne dans l’air frais.
— Demain, je retourne aux champignons, ma Vénus. C’est la patronne qui va être contente ! On ira du côté de Torsac, dans ce petit bois de châtaigniers où les cèpes sortent bien.
Franck tourna la tête un instant de trop. Mina avait disparu de son champ de vision.
— Bon sang de bon sang ! Mina ! Mina ! Veux-tu revenir, Mina !
Il continua à appeler, furibond. Debout derrière lui, remuant timidement la queue, la sage Vénus attendait la suite des événements.
Contrarié et inquiet, il quitta le chemin et s’engagea sous le couvert des chênes. Le terrain grimpait vers une barre rocheuse, ce qui le contraignit à s’arrêter pour souffler un peu. Alors qu’il s’apprêtait à repartir, une forme fauve déboula enfin d’un sentier et traversa un buisson de genévrier.
— Ah ! te voilà, quand même ! Viens là, ma chienne, viens me voir !
La colère de Franck était déjà retombée. Il savait qu’il devait avant tout caresser et flatter Mina d’avoir répondu à ses appels, même tardivement. La jeune bête courait autour de lui, joyeuse, très excitée.
— Calme-toi, Mina ! Qu’est-ce que tu manges ?
La chienne semblait avoir découvert et rapporté un jouet à sa convenance, ce qui n’était pas vraiment du goût de son maître.
On trouvait de tout dans la vallée des Eaux-Claires. Les gosses venaient s’y amuser, les amoureux, s’isoler, et le petit gibier était abondant.
— Lâche donc ! Fais-moi voir ! Mais tu as été droit sur une charogne, toi !
Franck n’arrivait pas à identifier ce qui gigotait entre les dents de Mina. C’était noir, gris, d’une forme étrange. Au bout de quelques minutes, Mina délaissa son trophée et fila boire au ruisseau. Il en profita pour examiner ce qu’elle avait abandonné sur l’herbe rase du talus.
À l’aide d’une brindille, il retourna le lambeau de matière putride avant de pousser un cri d’horreur en reculant, victime d’un haut-le-cœur.
— C’est pas vrai ! Faut que ça m’arrive à moi !
Mina revenait déjà. Elle aboya gaiement, déambula le nez au ras du sol, puis elle chercha querelle à Vénus.
Franck, les lèvres pincées, sortit son mouchoir et s’en servit pour envelopper sa sinistre trouvaille.
— Bordel ! Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? Et puis d’abord, d’où ça vient, ce fichu truc ?
Bouleversé, presque affolé, Franck réfléchit tout en lançant des coups d’œil inquiets autour de lui. Devait-il vraiment mettre dans sa poche de veste deux moitiés de doigt et un fragment de chair qui évoquaient vaguement la paume d’une main, le tout excessivement malodorant et d’une affreuse couleur noirâtre ?