Autorisation de pratiquer la course à pied

Auteur : Franck Courtès
Editeur : JC Lattès

Les copains des maisons de campagne, un jeune homme confronté à la lâcheté, un père divorcé qui s’inscrit à un jeu télévisé pour conquérir ses enfants, une jeune femme qui sacrifie tout pour courir le marathon, un bobo parisien qui contemple le monde dans un restaurant japonais.

Au cours de ces nouvelles, du cœur de la ville au cœur de la campagne, Franck Courtès déroule le fil ténu de nos vies. Il dit avec maestria ces tremblements de terre intimes et silencieux qui font basculer chacun de ses héros et qui les rendent si fragiles.

17,50 €
Parution : Janvier 2013
250 pages
ISBN : 978-2-7096-4280-4
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Extrait

Ça se passait plutôt bien pour elle chez ce jeune médecin de la rue Botzaris. Ses réflexes étaient bons, sa tension excellente. Pour une femme de quarante-six ans, c'était rare une telle forme, une telle énergie. Une telle nervosité, aurait ajouté un médecin plus aguerri.
Elle dut fléchir trente fois les genoux afin de vérifier la faculté de récupération de son coeur.
Elle exécuta les trente flexions à toute vitesse sans s'appuyer au brancard. Le médecin eut à peine le temps d'aller se rasseoir à son bureau. Il la considéra un moment, perplexe. Elle tenait à l'impressionner, lui aussi.
Christine Juve reprit son souffle le plus discrètement possible, avalant l'air en silence, le visage empourpré.
Le docteur Ladoze revint à ses côtés et vérifia son pouls. Ils restèrent silencieux, guettant le petit cadran de l'outil. Du coin de l'oeil, elle épiait le jeune médecin.
- Et encore, là, ce n'est pas la meilleure période pour moi...
Le jeune homme sourit :
- Ce n'est pas un concours, madame.
Les pulsations reprirent rapidement un rythme normal.
- Très bien, finit-il par lâcher.
Christine se promit d'en rajouter lorsqu'elle le raconterait à Patrick, son mari. Ce jeune homme ne se rendait pas compte.
Au fil des questions, elle avait l'impression de réussir un examen. Il s'agissait d'obtenir une «autorisation de pratiquer la course à pied en compétition», comme ils disaient. Un certificat médical lui permettant de participer à son premier marathon. Le sésame.
En lisant le dossier d'inscription pour la course, sur Internet, ces formalités l'avaient irritée. Elle avait téléphoné pour se faire confirmer le caractère obligatoire du certificat. A présent, chez le médecin, elle en tirait une certaine fierté. Aux yeux de ses amis et de sa famille, l'autorisation d'un docteur, ça en imposait.
Vingt-trois euros plus tard, Christine était sur le trottoir, son certificat en poche. Elle rentra chez elle, traversant les Buttes-Chaumont d'un pas rapide, s'assurant furtivement du regard des hommes.
Elle appela aussitôt Patrick, sans prendre le temps de se déshabiller. Sa main tremblait, elle se récitait les chiffres de ses résultats médicaux comme un mantra.
Patrick décrocha. Il était pressé, elle le sentit et s'en agaça. Avait-il oublié l'importance de son rendez-vous ? Elle entendait le désagréable cliquetis des touches de son ordinateur. Il faisait deux choses à la fois.
- Patrick, tu m'écoutes ?
- Oui, ma chérie, mais tu ne veux pas me raconter tout ça ce soir ?
Elle raccrocha et le détesta un moment. Elle repensa à son mensonge chez le docteur Ladoze. Elle n'avait pas tout dit.

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