Berlin finale
Avril 1945. Alors que les bombes pleuvent sur Berlin et que les Russes sont aux portes de la capitale, le régime nazi fait une dernière percée, traquant toujours plus fermement juifs, dissidents et déserteurs. Au beau milieu du chaos se débattent Joachim Lassehn, un jeune soldat qui recherche désespérément un endroit où se cacher ; Friedrich Wiegand, un syndicaliste torturé dans les camps, qui essaie de précipiter la fin de la guerre à coups de sabotage ; le docteur Walter Böttcher, qui aide les dissidents à vivre dans la clandestinité et Oskar Klose, barman, responsable du nouveau quartier général de la résistance.
Lisbonne, San Francisco et Tokyo furent détruites par un tremblement de terre en quelques minutes, il fallut plusieurs jours pour que les incendies de Rome, Chicago et Londres s'éteignent. Les brasiers et séismes qui se sont déchaînés sur cet endroit de la surface de la terre, situé au point d'intersection à 52 degrés et 30 minutes de latitude nord et 13 degrés et 24 minutes de longitude est, ont duré presque deux ans. Ils débutèrent dans la nuit claire et sombre du 23 août 1943 et finirent sous le ciel gris et pluvieux du 2 mai 1945.
À cet endroit, à 32 mètres au-dessus du niveau de la mer, encastrée dans une dune de l'ère glaciaire, s'étendait la ville de Berlin, jusqu'à cette nuit où la destruction débuta sa marche funeste.
Heinz Rein est né à Berlin en 1906. Employé de banque et journaliste sportif dans les années 1920, il voit ses écrits boycottés par le régime nazi dès 1933 pour avoir soutenu les causes socialistes. Et les sanctions ne s'arrêtent pas là, il est rapidement appréhendé par la Gestapo et condamné au travail forcé. Après la chute d'Hitler, Heinz Rein devient consultant littéraire pour l'administration allemande dans la zone d'occupation soviétique puis auteur free-lance en Allemagne de l'Est. C'est alors qu'il s'attèle à la rédaction de Berlin finale, son plus grand succès : un roman somme écrit dans l'urgence, qui deviendra après sa parution en Allemagne dès 1947 l'un des premiers best-sellers post-Seconde Guerre mondiale, s'imposant comme un témoignage historique inestimable. À l'aube des années 1950, Heinz Rein rompt avec le parti socialiste unifié au pouvoir et se réfugie en Allemagne de l'Ouest à Baden-Baden, où il meurt en 1991, peu après la chute du mur de Berlin.
Vos avis
Peu de romans méritent le qulificatif d'oeuvres-clé susceptibles de marquer la littérature de leur époque de parution .Dans la littérature allemande , caractérisée par le courant de la Trummerliteratur, littéralement la littérature des ruines qui a marqué l'immédiat après-guerre, on ne retenait pas le nom de Heinz Rein , auteur de ce roman .Cette ouvre se situe, non pas dans l'après-guerre mais dans la période s'étendant entre le début du mois d'avril 1945 et le 30 avril , à la veille de la reddition des troupes allemandes et de la prise de Berlin par l'Armée rouge.
Ce roman peut s'inscrire dans la lignée de celui de Hans Fallada, Seul dans Berlin, qui décrit la tentative de résistance au régime nazi d'un contremaître dans une usine berlinoise. Cependant, il va beaucoup plus loin : les principaux personnages du roman , le Docteur Walter Böttcher, médecin généraliste, ancien membre du parti social-démocrate , tête du groupe de résistance Berolina, Friedrich Wiegand, imprimeur typographe, clandestin, persécuté par la Gestapo depuis douze ans, Joachim Lassehn, déserteur de la Wehrmacht, ancien étudiant en musique, Klose, un restaurateur qui héberge ces clandestins ; tous illustrent à un moment ou un autre du roman l'état de la société allemande à cette époque .On y décrit pêle-mêle la décomposition des rapports humains, l'omniprésence de la méfiance , le repli des populations sur leur quant-à-soi ,la lâcheté des conduites ,l'espoir fou nourri par certains, intoxiqués par la propagande nazie , que l'Allemagne peut encore gagner la guerre …
Pourtant, c'est l'humanité des personnages principaux qui prévaut, on s'y attache, on les pressent comme les inspirateurs possibles d'une nouvelle Allemagne dénazifiée.
Le quotidien est impacté également, les besoins humains, réduits à de simples fonctions : « le bonheur se loge dans la satisfaction de besoins corporels, c'est la nourriture et l'accouplement, c'est la chasse hystérique aux cigarettes, au café en grain et à l'alcool, à l'étreinte et à l'orgasme. L'acte sexuel n'est qu'un état du corps. »
Les ravages de l'idéologie totalitaire ne manquent pas d'être relevés : « L'entreprise de formatage entamée lors du Service du travail (…) l'armée l'avait poursuivie(…) on marchait sans détour vers l'objectif, qui était d'entraîner physiquement le jeune homme et d'en faire, mentalement, un instrument sans volonté, pour le jeter ensuite au plus vite vers le champ de bataille. »
Pour sa précision dans les descriptions de la vie quotidienne du Berlin en guerre, pour l'humanité qu'il dégage, pour son illustration des capacités de l'humain, ce roman mérite d'être classé dans les romans-repères de cette époque. A (re)découvrir sans plus tarder.
STEPHANE BRET