L'Esprit de la science fiction suivi de Les déboires du vrai policier
Deux romans de jeunesse de l'auteur chilien inédits en poche : dans L'Esprit de la science-fiction, deux jeunes apprentis écrivains paressent, font des rencontres amoureuses ou les rêvent à Mexico dans les années 1970. Les Déboires du vrai policier, que Bolaño a continué à écrire jusqu'à sa mort, cultive l'art du fragmentaire, déploie une constellation de personnages et d'histoires, et contient toute la mythologie de son oeuvre.
Extrait
– Pouvez-vous m’accorder une interview ?
– Oui, mais qu’elle soit brève.
– Savez-vous que vous êtes le plus jeune auteur à avoir remporté ce prix ?
– Vraiment ?
– Je viens de parler avec l’un des organisateurs. J’ai eu l’impression qu’ils étaient émus.
– Je ne sais que vous dire... C’est un honneur... Je suis très content.
– Tout le monde a l’air content. Qu’avez-vous bu ? – De la tequila.
– Moi, de la vodka. La vodka est une boisson étrange, vous ne trouvez pas ? Il n’y a pas beaucoup de femmes qui en boivent. De la vodka pure.
– J’ignore ce que boivent les femmes.
– Vraiment ? Enfin, c’est sans importance, la boisson des femmes est toujours secrète. La vraie, je veux dire. La bibine infinie. Mais changeons de sujet. La nuit est très claire, non ? D’ici on peut voir les villages les plus lointains et les étoiles les plus distantes.
– C’est un effet d’optique, mademoiselle. Si vous faites bien attention, vous verrez que les baies vitrées sont embuées de façon très curieuse. Sortez sur la terrasse, je crois que nous sommes juste au milieu du bois. On ne voit pratiquement que des branches d’arbres.
– Alors ces étoiles sont en papier, bien sûr. Et les lumières des villages ?
– Du sable phosphorescent.
– Que vous êtes perspicace. S’il vous plaît, parlez-moi de votre œuvre. De vous et de votre œuvre.
– Je me sens un peu nerveux, voyez-vous ? Tous ces gens qui chantent et dansent sans faire de pause, je ne sais pas...
– Vous n’aimez pas la fête ?
– Je crois que tout le monde est soûl.
– Ce sont les vainqueurs et les finalistes de tous les prix précédents.
– Grand Dieu.
– Ils fêtent la fin d’un autre concours. C’est... naturel.