Havrefer, T3 : Le Seigneur des cendres
Au prix du sang et de l'acier, la reine de Havrefer est devenue plus forte. Munie de l'épée mythique de son père, elle s'apprête à défendre la cité contre le redoutable chef de guerre Amon Tugha, dont l'armée gigantesque campe aux portes de la cité. Une implacable bataille se prépare, la plus terrible de toutes... car comme l'ont appris les héros de Havrefer, des bas-fonds de la ville jusqu'à la salle du trône du palais de Guideciel, nul camp n'est à l'abri lorsque survient le chaos. Loyauté, force et ruse seront soumises à rude épreuve dans la quête effrénée pour la victoire...
Extrait
Deux ans plus tôt, l'homme qu'on connaissait aujourd'hui sous le nom d'Amon Tugha avait été banni des Terres fluviales et les deux serviteurs elharims avaient estimé qu'il était de leur devoir de le suivre. Amon Tugha avait certes trahi la reine, sa mère, mais il n'en demeurait pas moins leur prince. Ils lui avaient juré fidélité et leur loyauté était absolue, mais depuis qu'ils avaient quitté leur terre natale, le doute s'était insinué dans l'esprit d'Endellion. L'Elharime se posait de plus en plus de questions à propos de son allégeance. Elle était Arc Magna, une guerrière sans égal, crainte et respectée par ses semblables, mais dans ce royaume perdu, elle n'était qu'un membre de la horde d'Amon Tugha. Un pion qu'on pouvait sacrifier sans un instant d'hésitation.
- Tu le suis comme un mouton, lâcha-t-elle en essayant - vainement - de cacher sa colère. Que sommes-nous venus faire ici ? Nous avons perdu notre rang, tout comme lui. Nous ne lui devons rien.
- Il est toujours notre prince, déclara Azreal.
Il avait prononcé ces paroles avec une certaine hésitation, comme s'il cherchait à se convaincre autant qu'il cherchait à la convaincre elle.
- Il va nous conduire à la mort. Et pourquoi ? Pour une misérable cité puante à des centaines de lieues de chez nous ? Je ne trouve pas que le jeu en vaille la chandelle.
- Ce n'est pas la seule raison. Nous sommes ici pour regagner ce que nous avons perdu. Pour qu'il se reconstruise un nom et que ce nom résonne jusque dans les Terres fluviales. Pour que nos semblables comprennent qu'ils ont commis une injustice en le bannissant. C'est un roi, et ceux qui se tiennent à ses côtés sont aussi des rois.
Endellion vit la flamme qui brillait dans ses yeux et elle entendit sa ferveur dans sa voix. Sa loyauté était intacte alors que la sienne n'était plus qu'un souvenir. Comment pouvait-elle lui faire comprendre qu'il se trompait ? Jamais il ne l'écouterait si elle exposait les vérités qu'il avait choisi d'ignorer. Si elle lui expliquait que le dénommé Amon Tugha avait essayé d'évincer son frère, l'héritier légitime, pour s'emparer de la couronne des Terres fluviales. Qu'il avait fomenté un coup d'État. Que l'injustice dont il parlait n'était rien d'autre qu'une marque de miséricorde. Que la reine aurait très bien pu réclamer la tête de son fils plutôt que de le condamner à l'exil. Non, jamais Azreal ne l'écouterait.
- Tu as raison, dit-elle en souriant.
Elle prit une expression enjouée en espérant que son compagnon ne verrait pas au-delà de son masque. Il était inutile de discuter avec Azreal quand il parlait avec autant de conviction.
- Nous avons juré fidélité et nous respecterons nos voeux. Même si nous devons mourir pour cela.
Azreal lui rendit son sourire.
- Tu ne mourras pas, dit-il. Personne ne peut te vaincre.
Sur ces mots, il se tourna et s'éloigna en la laissant au milieu du camp...