L'excès-l'usine

Auteur : Leslie Kaplan
Editeur : POL

La première édition de ce livre culte, premier livre de Leslie Kaplan en 1982, a d'abord été publié dans la collection Hachette/P.O.L et repris en 1987 par P.O.L. L'excès-l'usine montre de face l'usine, le travail à l'usine et le devenir de ceux qui y vivent, leur enfermement dans cet espace immense, dans « la grande usine univers », infini en morceaux. L'usine est vécue au féminin, ce qui rend son impersonnalité d'autant plus impersonnelle (le « je » cède la place au « on ») et le « cela » vécu dans l'usine dépasse, excède tous les mots qui pourraient le décrire, ces mots sont en trop. Cette nouvelle édition est augmentée de la préface originale de la première édition : un entretien avec Marguerite Duras réalisé en janvier 1982 ; ainsi que du texte de Maurice Blanchot paru dans le journal Libération du 24 février 1987.

9,50 €
Parution : Novembre 2020
144 pages
ISBN : 978-2-8180-5002-6
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Extrait

L’usine, la grande usine univers, celle qui respire pour vous. Il n’y a pas d’autre air que ce qu’elle pompe, rejette.
On est dedans.
Tout l’espace est occupé : tout est devenu déchet. La peau, les dents, le regard.
On circule entre des parois informes. On croise des gens, des sandwichs, des bouteilles de coca, des instruments, du papier, des caisses, des vis. On bouge indéfiniment, sans temps. Ni début, ni fin. Les choses existent ensemble, simultanées.
À l’intérieur de l’usine, on fait sans arrêt.
On est dedans, dans la grande usine univers, celle qui respire pour vous.

L’usine, on y va. Tout est là. On y va. L’excès – l’usine.
Un mur au soleil. Tension extrême. Mur, mur, le petit grain, brique sur brique, ou le béton ou souvent blanc, blanc malade ou la fissure, un peu de terre, le gris. La masse mur. En même temps, ce soleil. La vie est, haine et lumière. La vie-four, d’avant le commencement, totale.
On est prise, on est tournée, on est à l’intérieur. Le mur, le soleil. On oublie tout.
La plupart des femmes ont un merveilleux sourire édenté.
On boit un café à la machine à café. La cour, la traverser.
Être assise sur une caisse.
Tension, oubli.

On fait des câbles près de la fenêtre. Les câbles ont beaucoup de couleurs, on les enroule en circuits. Il y a de la lumière, l’espace est mou. On va, on vient. Couloirs, oubli.
On fait des câbles près de la fenêtre. Tension extrême. Le ciel, et les câbles, cette merde. On est saisie, tirée par les câbles, le ciel. Il n’y a rien d’autre.
Tout l’espace est occupé : tout est devenu déchet. La peau est morte. Les dents mordent une pomme, un sandwich. On absorbe, le regard se colle à tout comme une mouche.
On travaille neuf heures, on fait des trous dans des pièces avec une machine. On met la pièce, on descend le levier, on sort la pièce, on remonte le levier. Il y a du papier partout.
Le temps est dehors, dans les choses.

Informations sur le livre