Chambre Froide

Auteur : Tim Weaver
Editeur : Editions Toucan

David Raker s'est lancé dans les recherches de jeunes adultes disparus depuis la mort de sa femme. Toujours hanté par ce deuil, il se charge de retrouver la trace d'Alex, un jeune homme disparu il y a cinq ans, retrouvé mort il y un an, mais aperçu dans la rue il y a quelques mois. Ses recherches ne tarderont pas à le mettre sur la piste du Calvary Project un centre recrutant des jeunes adolescents et adultes rêvant d'une nouvelle vie (anciens toxicomanes, enfants violés...).
Mais ce grand projet cache des intentions funestes : quiconque dévie du programme est sujet à tortures et punitions mortelles. En effet, pour masquer la mort de ceux qui se plient aux règles du programme (ils doivent être considérés comme morts aux yeux de la société).
Jusqu'où cette enquête le mènera-t-il ?

Traduit par Véronique Gourdon
23,00 €
Parution : Janvier 2013
420 pages
ISBN : 978-2-8224-0196-8

Extrait

Vers la fin, il lui arrivait parfois de me réveiller en tirant sur un pan de ma chemise, les yeux roulant comme des billes dans un bocal, d'une voix qui me suppliait de l'aider à remonter à la surface. J'aimais toujours cette sensation, en dépit de ses souffrances, parce que cela voulait dire qu'elle avait survécu un jour de plus.
Durant les derniers mois, sa peau ressemblait à une toile tendue à l'extrême sur ses os. Elle avait également perdu presque tous ses cheveux. Mais cela m'était égal, et le reste aussi. Si j'avais eu le choix entre avoir Derryn avec moi pour un seul jour telle qu'elle était quand je l'ai rencontrée ou pour le restant de ma vie telle qu'elle était à la fin, c'est comme elle était à la fin que je l'aurais choisie, sans la moindre hésitation. Parce que dans les moments où j'imaginais ma vie sans elle, je ne pouvais presque plus respirer.
Elle avait trente-deux ans, sept ans de moins que moi, quand elle a découvert la grosseur. Quatre mois plus tard, elle s'effondrait au supermarché. J'étais journaliste de presse depuis dix-huit ans, mais lorsque cela s'est produit une seconde fois, dans le métro, j'ai démissionné et je me suis mis à travailler en free-lance, refusant de voyager. La décision n'a pas été difficile à prendre. Je ne voulais pas me trouver à l'autre bout du monde quand je recevrais le troisième coup de fil m'annonçant qu'elle avait fait une chute fatale.
Le jour où j'ai quitté le journal, Derryn m'a emmené dans le lieu qu'elle s'était choisi, dans un cimetière du nord de Londres. Elle a baissé les yeux sur sa tombe, puis elle m'a regardé, et elle a souri. Je m'en souviens parfaitement. Un sourire qui cachait tant de peine et de peur que j'ai eu envie de casser quelque chose. J'aurais voulu cogner jusqu'à ce que je ne ressente plus rien. Au lieu de cela, je lui ai pris la main, l'ai serrée contre moi, et j'ai essayé de chérir chaque seconde du temps qu'il nous restait.
Quand il est devenu évident que la chimiothérapie ne donnait aucun résultat, elle a décidé d'arrêter. J'ai pleuré ce jour-là, j'ai vraiment pleuré, sans doute pour la première fois depuis que je n'étais plus un gamin. Mais, avec le recul, elle a pris la bonne décision. Elle a gardé sa dignité. Sans les visites à l'hôpital et les périodes de convalescence, notre vie est devenue plus naturelle, et cette façon de vivre a été exaltante pendant un temps. Elle lisait beaucoup, faisait de la couture, et je bricolais dans la maison, repeignais les murs, retapais les pièces. Et un mois après l'arrêt de la chimio, j'ai investi dans l'aménagement d'un bureau. Comme Derryn me le rappelait, j'allais avoir besoin d'un endroit où travailler.
Sauf que le travail n'est jamais venu. J'ai eu quelques propositions - de la part de gens qui avaient pitié de moi, pour la plupart - mais devant mon refus de voyager, on ne faisait appel à moi qu'en dernier recours. J'étais devenu le genre de travailleur free-lance que j'avais toujours détesté. Je ne voulais pas être ce genre de personnage, tout en étant conscient que j'étais en train de le devenir. Mais à la fin de chaque journée, Derryn devenait un peu plus importante à mes yeux, et il m'était difficile de lâcher prise.

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