La Faute à Mick Jagger

Auteur : Cyril Montana
Editeur : Le Dilettante

Un jeton dans la fente, et c’est parti ! Ci-joint, en 224 pages, médiator et cordes acier, contée au présent du subjectif et au passé du dépréciatif, la ballade de Simon, garçon contemporain.
Face A. L’histoire de Simon depuis tout petit : parents babs, disjonctés et enjointés, virée dans le Lubéron avec son père chez la redoutable Nina, puis retour à Paris avec ce même père, rongé par le cancer. Un trou de ciel néanmoins : la mamie mutine et gymnaste.
Face B. Le présent de Simon : une fuite en avant où s’entrelardent visite et coup de fil gonzo d’une mère niortaise très « like a rolling stone » ; balade en province pour retrouver la de moins en moins anguleuse Angelica, avide d’amour méthodique, luttant contre les angles à coups de bassines de frites ; solitude parisienne et découverte de Lucile ; course après la mère partie en virée pour nulle part, internement d’icelle puis mise en liberté surveillée par les psychotropes.
Les deux faces se succèdent, un temps chaque, histoire de ne pas laisser tiédir.
J’ai viré précaire, c’est la faute à Jagger, en plein cafard cosmique, c’est la faute au vieux Mick : ainsi vit Simon, jeune homme d’aujourd'hui.
On la rejoue ?

17,00 €
Parution : Janvier 2008
224 pages
ISBN : 978-2-8426-3147-5
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Extrait

Ce n'était pas que la porte était bloquée, mais juste que j'étais tellement mal que je n'arrivais plus à sortir. J'étais coincé dans une cabine téléphonique. J'avais posé mon gros sac noir à mes pieds, celui qui n'a pas de rembourrage au niveau de la sangle et qui scie l'épaule quand il est bourré à bloc, comme c'est souvent le cas. Parce que je ne peux pas partir sans emporter ma maison avec moi, même pour un week-end. Je suis bordélique, j'entasse à la va-vite. Je ne sais pas plier mes affaires. Quand j'essaie de m'appliquer, il y a toujours un moment où je mets le sac à l'envers pour vérifier que j'ai mis le nombre exact de caleçons et de chaussettes, bien pris de l'aspirine et puis les bons bouquins. J'étais donc coincé dans ma cage de verre et j'avais chaud. J'ai appelé Edouard, je savais qu'il était en week-end chez des amis à deux cents kilomètres de là, à Limoges. Edouard, c'est mon ami, je peux toujours compter sur lui. On se ressemble, on est tous les deux des hypersensibles. C'est fatigant d'être un hypersensible, tout nous touche très fort. Dès que je l'ai eu au bout du fil, je lui ai expliqué que j'étais venu à Niort pour voir ma mère chez qui j'étais censé dormir. Mais que là, voilà, à neuf heures du soir, je me tapais une belle crise d'angoisse avec l'impression d'être nulle part et l'envie de dégager fissa. Il m'a dit ok bouge pas j'arrive. Il y avait déjà facile trois mois que je me disais qu'il fallait que j'aille la voir, ma mère. Ça fait partie des devoirs d'un fils. Ça m'a retourné le bide quand elle a commencé à me balancer ses histoires de la tête de Mick Jagger qui était entrée dans la sienne et qu'elle souffrait parce qu'elle était plus grosse. Elle m'avait aussi demandé si j'étais bien sûr que c'était elle qui me parlait. Hein dis-moi, c'est moi qui te parle là ou c'est Mick. À moitié accroupi sur mon petit tabouret en plastique bleu, je lui ai répondu que, oui, oui, c'était bien elle. Ah bon d'accord alors. Elle m'avait aussi demandé si je continuais à manger du jambon et si ça ne me semblait pas bizarre de manger l'esprit du cochon. Puis, elle s'était mise à parler toute seule en riant nerveusement. C'était incompréhensible, il était question d'influences télépathiques avec des gens qui l'obligeaient à dire des choses à leur place, des individus très négatifs qui s'étaient regroupés à Niort pour nuire aux autres. Après deux ou trois heures passées avec elle, je me suis mis à flipper sec à l'idée de dormir là-bas. Elle m'avait pourtant très gentiment préparé un lit dans la pièce qu'elle réservait pour sa gymnastique, avec des nattes au sol, des élas­tiques pour s'étirer les bras et des posters de yoga aux murs. Elle n'a pas du tout compris quand je lui ai dit que je voulais partir. Il faut que tu comprennes que ça m'a fait plaisir de te voir, mais que là je peux pas, trop pour moi et je vais rentrer à Paris maintenant. Elle m'a fixé pendant quinze secondes sans rien dire, puis s'est remise à parler seule en regardant par la fenêtre tout en disant que son propre fils avait été manipulé, et qu'ils étaient beaucoup plus nombreux que ce qu'on pouvait croire. Heureusement qu'Edouard avait accepté de venir me chercher aussi vite, autrement j'aurais dû prendre un train couchettes pour rentrer à Paris et, vu l'état dans lequel j'étais, je voulais éviter de me retrouver en pleine nuit avec cinq personnes que je ne connaissais pas empilées autour de moi. Si je dis ça, c'est à cause de ma claustrophobie. J'étouffe. Edouard aurait très bien pu comprendre, mais je n'avais pas eu envie de développer au téléphone, je voulais juste qu'il me sorte de là. De toute façon, rien qu'au son de ma voix, il avait senti que j'étais mal. Nous, les hypersensibles, on comprend très bien ce que c'est que d'avoir des angoisses, on ressent aussi celles des autres. Après avoir raccroché, j'ai enfin pu sortir de ma cabine. Je ne peux pas dire que j'étais vraiment bien, mais j'ai au moins pu respirer normalement. En face de la gare, il y avait une brasserie-tabac qui vendait des journaux.

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