La chaîne

Auteur : Adrian McKinty
Editeur : Mazarine

VICTIMES. SURVIVANTS. RAVISSEURS. CRIMINELS.
VOUS SEREZ TOUT CELA À LA FOIS.

Le téléphone sonne. Un inconnu a kidnappé votre enfant.
Pour qu’il soit libéré, vous devez enlever l’enfant de quelqu’un d’autre.
Votre enfant sera relâché quand les parents de votre victime auront à leur tour enlevé un enfant.
Si un chaînon manque : votre enfant sera tué.

VOUS FAITES DÉSORMAIS PARTIE DE LA CHAINE.
VOUS N’ÊTES PAS LES PREMIERS.
VOUS NE SEREZ CERTAINEMENT PAS LES DERNIERS.

22,00 €
Parution : Mars 2020
400 pages
ISBN : 978-2-8637-4520-5
Fiche consultée 220 fois

Extrait

Jeudi, 7 h 55

Assise à l’arrêt de bus, elle regarde ses likes sur Instagram et ne remarque même pas l’homme armé d’un pistolet qui approche – jusqu’à ce qu’il soit presque à côté d’elle.
Elle aurait pu lâcher son sac de cours et s’enfuir à travers les marais. Elle a treize ans, elle est vive et agile, elle connaît tous les marécages, tous les sables mouvants de Plum Island. Il y a un peu de brouillard marin ce matin, l’homme est en surpoids et il a l’air empoté. Il aurait hésité à se lancer à sa poursuite, et il aurait forcément été obligé de renoncer à l’arrivée du bus de l’école à 8 heures.
Tout cela lui traverse l’esprit en une seconde.
Maintenant l’homme se tient juste devant elle. Il porte une cagoule noire sur la tête. Il pointe une arme vers sa poitrine. Elle pousse un gémissement, lâche son téléphone qui tombe à ses pieds. C’est clair qu’il ne s’agit pas d’une plaisanterie ou d’un canular. On est en novembre. Halloween, c’était la semaine dernière.
« Tu sais ce que c’est, ça ? demande l’homme.
— C’est un pistolet, dit Kylie.
— Un pistolet braqué sur ton cœur. Si tu cries, si tu résistes ou si tu essaies de t’enfuir, je tire. Me comprends-tu ? »
Elle hoche la tête.
« D’accord. Bien. Reste calme. Mets ce bandeau sur tes yeux. Le comportement de ta mère dans les prochaines vingt-quatre heures décidera si tu dois vivre ou mourir. Et quand… Et si nous te relâchons effectivement, il ne faudra pas que tu puisses nous identifier. »
Tremblante, Kylie passe le bandeau matelassé élastique autour de sa tête.
Une voiture s’arrête devant l’arrêt de bus. Une portière s’ouvre.
« Monte. Attention à ta tête », dit l’homme.
Elle s’installe à tâtons sur la banquette arrière. La portière claque à côté d’elle. Ses pensées s’affolent. Elle sait qu’elle n’aurait pas dû embarquer dans ce véhicule. C’est comme ça que des filles disparaissent. C’est comme ça qu’il disparaît tous les jours des filles. Si tu montes dans la voiture, c’est terminé. Si tu montes dans la voiture, tu es perdue pour toujours. Il ne faut pas monter dans le véhicule. Il faut tourner les talons et s’enfuir, s’enfuir à toutes jambes.
Trop tard.
« Attache-lui sa ceinture », dit une femme à l’avant.
Kylie commence à pleurer sous le bandeau.
L’homme, qui a grimpé sur la banquette à côté d’elle, lui met la ceinture de sécurité.
« S’il te plaît, Kylie, essaie de garder ton calme, dit-il. Nous ne voulons vraiment pas te faire de mal.
— Vous vous trompez, dit-elle. Maman n’a pas d’argent. Elle ne commence son nouveau travail que…
— Dis-lui de se taire ! ordonne la femme à l’avant.
— Ce n’est pas une question d’argent, Kylie, dit l’homme. Écoute, il vaut mieux que tu ne parles pas, d’accord ? »
La voiture démarre brusquement, les roues chassant sable et gravillons sur l’accotement. Les changements de vitesse s’enchaînent tandis qu’elle accélère.
Kylie tend l’oreille. Ils traversent le petit pont unissant Plum Island au continent. Elle grimace en entendant le râle d’asthmatique du car de ramassage scolaire qui croise la voiture.
« Ne roule pas trop vite », dit l’homme.
La condamnation centralisée des portières cliquette. Kylie se maudit d’avoir laissé passer cette chance. Elle aurait pu détacher sa ceinture et se jeter dehors. La panique commence à la tétaniser. « Pourquoi vous faites ça ? bafouille-t-elle.
— Qu’est-ce qu’on lui répond ? demande l’homme.
— Rien. Tu lui dis de la fermer, réplique la femme.
— Il ne faut pas parler, Kylie. »
La voiture roule à vive allure, sans doute dans Water Street maintenant, direction le centre de Newburyport. Kylie se force à respirer profondément : inspirer, expirer, inspirer, expirer comme elle a appris à l’atelier de pleine conscience à l’école. Elle sait que pour garder la vie sauve, elle doit être observatrice et se montrer patiente. Elle est dans la classe de quatrième qui suit le programme accéléré. Tout le monde dit qu’elle est intelligente. Il faut qu’elle garde son calme, soit attentive aux moindres détails et saisisse toutes les occasions qui se présenteront.
Il y a cette fille, en Autriche, qui a survécu. Et ces filles de Cleveland. Elle a aussi vu à Good Morning America l’interview de cette jeune fille, la mormone qui a été kidnappée à quatorze ans. Elles s’en sont toutes sorties. Elles ont eu de la chance, mais la chance ne fait peut-être pas tout.
Une nouvelle vague de terreur enfle en elle, lui nouant la gorge. Elle se force à avaler sa salive.
Elle sent la voiture grimper la rampe d’accès au pont de la Route 1 dans Newburyport. Ils traversent le fleuve Merrimack, direction le New Hampshire.
« Attention, pas si vite », marmonne l’homme. La voiture ralentit pendant quelques instants, mais reprend bientôt de la vitesse.
Kylie pense à sa mère. Ce matin, elle doit descendre à Boston voir la cancérologue. Sa pauvre maman, ce truc va la…
« Oh mon Dieu, dit soudain la femme qui conduit d’une voix horrifiée.
— Quoi ? demande l’homme.
— On vient de passer une voiture de flics. Juste à la frontière de l’État.
— Ça va, je crois que tu roulais à… Ah non, mince ! Ses gyrophares s’allument ! Il se lance à ta poursuite pour t’arrêter. Tu allais trop vite. Il faut que tu te ranges…
— Je sais bien ! rétorque la femme.
— Ça va aller. Le vol de cette voiture ne peut pas encore avoir été signalé. Ça faisait des semaines qu’elle était dans cette petite rue de Boston.
— Ce n’est pas la voiture, le problème. C’est elle. Passe-moi le revolver.
— Que vas-tu faire ?
— Qu’est-ce qu’on peut faire ?
— On discute avec le flic et on s’en sort, dit l’homme d’un ton insistant.
— Avec une gamine kidnappée les yeux bandés sur le siège arrière ?
— Elle ne dira rien. Hein, Kylie ?
— Non. Je vous le promets, gémit Kylie.
— Fais-la taire. Retire-lui ce machin et fais en sorte qu’elle regarde ses pieds, ordonne la femme.
— Ferme bien les yeux, Kylie. Et pas un bruit. » L’homme lui retire le bandeau, puis pose une main sur sa nuque pour l’obliger à baisser la tête.
La femme arrête la voiture tandis que le véhicule de la police doit sûrement se ranger derrière elle.
« Il est en train de noter le numéro de la plaque, dit la femme qui scrute de toute évidence le policier dans le rétroviseur intérieur. Il se renseigne aussi sans doute par radio.
— C’est bon, dit l’homme. Tu vas lui parler. Ça va bien se passer.
— Ces voitures de patrouille ont des caméras embarquées, non ?
— Je ne sais pas.
— Les flics vont rechercher cette voiture. Avec trois personnes à bord. Il faudra la cacher dans la grange. Peut-être pendant des années.
— Ne dramatise pas. Il va juste te coller une contravention pour excès de vitesse. »
Le policier descend de son véhicule. Kylie entend les gravillons du bas-côté crisser sous ses bottes tandis qu’il se rapproche.
« Oh mon Dieu », murmure la femme, et elle baisse sa vitre.
Les gravillons cessent de crisser. Le policier se tient près de la portière conducteur.
« Il y a un problème, monsieur l’agent ? demande la femme.
— Savez-vous à quelle vitesse vous rouliez, madame ?
— Non.
— Je vous ai flashée à quatre-vingt-trois kilomètres heure. Vous êtes dans une zone scolaire où la vitesse est limitée à quarante. Je suppose que vous n’avez pas vu la signalisation ?
— Non. Je ne savais pas qu’il y avait une école par ici.
— Les panneaux sont pourtant nombreux, madame. Et bien visibles.
— Je m’excuse, je ne les ai pas vus.
— Je vais devoir examiner vos… »
Le policier s’interrompt. Kylie sent qu’il la regarde. Elle frissonne de tout son corps.
« Monsieur, est-ce votre fille qui est assise à côté de vous ?
— Oui, répond l’homme.
— Mademoiselle ? Regardez-moi, s’il vous plaît. »
Kylie relève le menton mais garde les yeux fermés. Elle tremble encore. Le policier a deviné que quelque chose ne tournait pas rond. Pendant une demi-seconde, Kylie, la femme, l’homme et le flic se demandent tous ce qu’ils doivent faire.
La femme pousse un grognement et un coup de feu retentit.

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