Le marin à l'ancre
Roland est paralysé et cloué dans son fauteuil roulant. Bernard, lui, est acteur, il a été marin et parcourt le monde. Pendant plusieurs années, il a écrit à son ami, le faisant ainsi participer à ses aventures sportives, théâtrales, cinématographiques et personnelles. Il a voyagé pour lui. Loin du tourisme et de lauto complaisance, ces lettres forment un récit hors du commun, mêlant les souvenirs du marin de dix-sept ans qui découvrait, dans linnocence, le monde des ports et les femmes (la petite infirme de Diego Suárez, la geisha de Kobe, la dame de Balboa...) aux réflexions et aux sentiments de lhomme quil est devenu. Et qui se cherche de la Transamazonienne à la Patagonie et à lAfrique, sensible aux injustices, aux parfums, à la sensualité, aux femmes.
Chronique dune amitié sans pathos, ces lettres nous révèlent un regard précis et original servi par le style à la fois brutal et lyrique dun " homme qui court par peur de tomber ".
Vos avis
Ça commence par un voyage en Yougoslavie en vue d'un repérage après la lecture d'un roman d'Andrée Chédid. Non, ça commence par une lettre trouvée un jour dans sa boîte : un type handicapé qui lui demande de le faire voyager, lui qui ne peut prendre la vie d'assaut, cloué dans son "char". Il s'appelle Roland et Bernard Giraudeau se prend d'une rude, d'une âpre amitié pour lui, ce "marin à l'ancre", à qui il va faire découvrir les eaux douces et salées du monde entier. Celles d'Amazonie, de Chypre, de Madagascar, de l'Afrique du Sud. Sous forme de lettres ou de carnets de voyages, il raconte le monde vu de ses yeux vus, avec le ton d'une discussion légère entre potes. Et qui dit "potes" dit rigolades et coups de coude, toujours par écrit, pour viser un peu les belles que l'acteur ne manque pas de découvrir dans chaque port, fidèle aux légendes de vieux marins et autres mythes qu'il égrène au fil de sa plume. Outre les rêveries auxquelles il convie Roland et les lecteurs ("Mais les papillons jaunes du fleuve sont des esprits, Roland. Personne au monde n'attrape les esprits."), Giraudeau se dévoile (souvent avec humour), avoue ici son inaptitude au bonheur ou à la patience, confie là son goût pour l'improvisation au théâtre, réfléchit à la misère rencontrée dans ses voyages ("Il faut n'avoir vraiment rien pour savoir ce que c'est de n'avoir rien.")
Un portrait de l'acteur en voyageur qui ne laissera indifférent ni ses admirateurs, ni les autres.
Laure Anciel