En ville

Auteur : Christian Oster
Editeur : L'olivier

« Georges est arrivé avec un gros gâteau. Il est entré dans la pièce, précédé de Paul, qui était allé lui ouvrir, et a posé le carton sur la table où les verres étaient disposés pour l’apéritif. C’est après qu’il nous a salués, William et moi, une fois débarrassé de son carton qu’il avait tenu devant lui à deux mains, comme si, de la pâtisserie où il l’avait acheté jusqu’à l’appartement, il l’avait déplacé tel quel, à seule fin de le poser sur la table. »

Quelques jours après le dîner au cours duquel cinq amis ont fixé la destination de leurs vacances d’été, des événements parfois ambigus viennent perturber leur existence : Georges (qui vient d’être quitté) tombe amoureux, William (qui habite en face d’un hôpital) fait une embolie pulmonaire, Paul et Louise envisagent de se séparer (mais pas avant la fin des vacances) et Jean apprend qu’il attend un enfant (d’une femme qu’il n’aime pas). Le projet de départ n’en est pas moins maintenu, auquel on n’ose plus trop faire allusion.

Le désordre semble être le moteur de ce roman où le passage du temps inquiète, où la mort et l’humour rôdent, où ce qui advient oblige à des glissements, à des aménagements, à des choix opérés dans l’urgence. Christian Oster saisit ses personnages à l’instant précis où leur vie bascule et les précipite face à eux-mêmes.

18,00 €
Parution : Janvier 2013
180 pages
ISBN : 978-2-8792-9778-1
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Extrait

Georges est arrivé avec un gros gâteau. Il est entré dans la pièce, précédé de Paul, qui était allé lui ouvrir, et a posé le carton sur la table où les verres étaient disposés pour l'apéritif. C'est après qu'il nous a salués, William et moi, une fois débarrassé de son carton qu'il avait tenu devant lui à deux mains, comme si, de la pâtisserie où il l'avait acheté jusqu'à l'appartement, il l'avait déplacé tel quel, à seule fin de le poser sur la table. Évidemment, il avait dû libérer une de ses mains pour faire le code, pousser la porte de l'immeuble, tirer celle de l'ascenseur, presser le bouton de la cabine et celui de la sonnette, mais enfin ce n'est pas l'impression qu'il avait donnée en entrant dans la pièce, il avait plutôt eu l'air emprunté, encombré de son gâteau depuis le départ, incapable, en réalité, de l'avoir jamais tenu d'une main - ce qui eût été, à la réflexion, peut-être impossible, pour autant que le carton eût manqué de rigidité et qu'il eût risqué, sous la pression de son pouce, de s'écraser sur le gâteau, lui-même éventuellement mou, avec de la crème, à moins qu'il ne se fût agi d'une mousse, avec cette manie qu'ils ont tous maintenant de faire des mousses, ai-je songé. Toujours est-il qu'à présent Georges avait posé le gâteau, un assez gros gâteau, semblait-il, et qu'il nous saluait, William et moi. Nous nous étions levés et, l'un après l'autre, lui tendions la main, disant ça va ? comment ça va, Georges ? alors quoi de neuf depuis tout ce temps ? Assieds-toi, a toutefois enchaîné Paul avant qu'il ait eu le temps de répondre, tu bois quelque chose ? Et vous ? a dit Georges. Du vin, a dit Paul. Alors, du vin, a dit Georges, et il s'est assis.
On a repris nos places, Paul, William et moi, cependant que Louise revenait de la cuisine, embrassait Georges, qui se relevait, sur quoi Louise s'est assise, en même temps que Georges se rasseyait, et Paul a servi le vin. On a levé nos verres, Paul a dit à nous, non ? et on a tous repris à nous, sans vraiment se regarder, on devait tous penser à Georges, qui n'était pas uniquement venu avec son gâteau en le tenant à deux mains, il était venu seul, aussi, sans Christine, depuis qu'on le connaissait on le connaissait avec Christine, or Christine n'était pas là, peut-être allait-elle le rejoindre plus tard, ce n'était pas impossible, mais personne n'osait poser la question. Et alors ? a dit Georges. On a pensé à Hydra, lui a répondu Paul, tu vois où c'est ? Non, a dit Georges, mais on avait parlé de la Toscane, au départ, depuis six mois je m'étais mis en tête la Toscane, moi. C'est très beau, est intervenue Louise, la Toscane, mais Paul a pensé qu'en définitive on n'avait pas la mer là-bas, que c'était un peu bête de ne pas avoir la mer. Quitte à partir, a ajouté Paul. Oui, peut-être, a dit Georges, peut-être, et il a eu l'air songeur. Je m'étais quand même fait à l'idée de la Toscane, a-t-il repris. Mais je m'en fous, a-t-il précisé, Christine et moi on s'est séparés, et je m'étais fait à l'idée de la Toscane avec elle, sans elle évidemment à la réflexion pourquoi pas ce truc, là. Comment tu dis, déjà ? Hydra, a dit Paul. C'est une île, non ? a fait Georges. Oui, a dit Paul. Tu n'as rien à grignoter ? a demandé Georges. Désolé, a dit Paul. On a peut-être des olives, a dit Louise, je vais voir. (...)

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