Il est temps que je te dise
Tout commence lorsque David Chariandy est victime, dans un restaurant éthique de Vancouver, d'un acte de racisme ordinaire en présence de sa fille de trois ans. Dix ans plus tard, l'élection de Donald Trump lui donne l'occasion d'adresser à sa fille désormais adolescente une lettre pour évoquer les questions universelles de l'identité et de la race. Chariandy puise dans son propre passé, dans celui de ses ancêtres afro-asiatiques et dans des épisodes concrets vécus en famille une réflexion sur l'héritage de l'esclavage, le statut de " minorité visible " et d'immigré de deuxième génération : que ressent-on lorsqu'on est considéré comme un étranger alors que l'on est né au Canada ? Lorsqu'on nous demande, inlassablement, " non, mais d'où viens-tu vraiment ? "
David Chariandy a beau être né au Canada, une femme dans un restaurant éthique lui fait comprendre qu'il n'est pas ici chez lui. Même s'il a grandi dans ce pays pourtant réputé plus tolérant que les États-Unis, il y a été souvent traité de nègre.Dans cette lettre ouverte qu'il adresse à sa fille de treize ans, il est question d'appartenance ; de ses ancêtres à lui, d'origines afro-asiatiques ; de son identité à elle, dont la mère est issue de la grande bourgeoisie canadienne blanche. Pas de hargne pour parler de la blessure du racisme, mais une lucidité, une pudeur et une tendresse qui font de ce texte important une invitation à se déterminer librement : un véritable manifeste dans la continuité de James Baldwin.
La presse en parle
Voici brisé le mythe d’un Canada havre de tolérance. Ce texte de David Chariandy commence le jour où la cliente blanche d’un restaurant de Vancouver estime pouvoir passer devant l’auteur et son enfant car elle est là « chez elle ». Puis le petit garçon est traité de nègre dans la cour de récréation… Face aux inquiétudes de sa fille adolescente, David Chariandy entreprend de lui raconter d’où elle vient, depuis ses grands-parents, d’ascendance afro-asiatique, arrivés de Trinidad à Toronto dans les années 1960. Chariandy s’exprime avec la tendresse préoccupée d’un père et la rigueur d’un écrivain. Dans la continuité de James Baldwin, il invite sa fille à décider de son identité librement, et les Canadiens à considérer le racisme comme leur problème.
Gladys Marivat, Le Monde