Principes mortels
La mort n'a jamais dit son dernier mot.
Été 1979. Franck Servin, 18 ans, fuit le naufrage du foyer familial pour réviser son bac. Il trouve refuge chez son oncle et sa tante, dans une ferme isolée de la Creuse où, quatre ans plus tôt, son cousin Paul, presque son sosie, a trouvé la mort sur une route qu'il connaissait depuis l'enfance. Cette tragédie ronge insidieusement le coeur de ses proches, attendant son heure pour frapper de nouveau. En cet été 2011, elle semble avoir sonné. Franck sait qu'il va mourir. Il a quelques heures, quelques jours peut-être, pour laver sa mémoire et raconter ce qui s'est réellement passé, l'été de ses 18 ans.
Extrait
Extrait du prologue
Ferme de la Renardière, Armilliers-sur-Taurion
13 juillet 2011,14 heures
J'ai longtemps cru que je ne pourrais jamais raconter ce qui s'est réellement passé cette année-là, durant l'été 1979. Mais, aujourd'hui, je réalise qu'il est grand temps de le faire, peut-être simplement histoire de laver définitivement ma mémoire de ce qui la souille avant de mourir. Car, je le sais, aussi certainement que la nuit succède à la lumière, je vais mourir. Quelques jours encore, quelques heures...
La décision m'appartient, à présent. J'ai dépassé le temps de l'apitoiement sur moi-même, le temps des remords et de la culpabilité, le temps de la colère. Aujourd'hui est venu celui du renoncement, ou plutôt celui de l'acceptation, ce qui revient en fait à peu près au même...
J'ai choisi d'écrire l'histoire de ces événements tragiques afin qu'il en reste une trace après ma mort. Pour que quelqu'un puisse comprendre ce qui me ronge depuis bientôt trente ans. Pour que toute cette merde ne disparaisse pas totalement dans l'oubli. Pour que tous les miens ne soient pas morts pour rien.
Vous, qui trouverez ce manuscrit, faites-en ce que votre conscience vous dictera. Après tout, cette histoire ne concerne que ma famille et je doute que cela puisse éveiller l'intérêt de quelqu'un d'autre que moi.
Sachez tout de même qu'il m'a fallu avaler la trahison plutôt que l'admettre. Comme un poison insidieux, elle a infiltré toutes les cellules de mon corps avant de m'abandonner, épuisé, comme échoué sur un rivage aride d'où l'océan s'est retiré au loin, invisible entre la ligne d'horizon et le ciel.
Qu'y a-t-il de pire que la duplicité d'un être qui vous est cher ? Qu'y a-t-il déplus déstabilisant que la forfaiture d'une personne que l'on imagine au-dessus de tout soupçon juste parce qu'on l'aime ? Des semaines, des années durant, je me suis heurté à cette idée comme un papillon à une veilleuse, refusant de croire que cette lumière fascinante me brûlait les pattes, avant même que je prenne conscience que j'étais en train d'y carboniser mes ailes.
À présent, je sais qu'il est trop tard pour revenir en arrière, pour espérer pouvoir influer sur le cours des événements. Trop tard pour comprendre, pour réparer et pour éviter que le pire se produise.
Y a-t-il un bon âge pour mourir ?