Mercedes cabossée
À l'école, Mercedes ne parle plus depuis six ans. Pourtant à la maison, elle discute avec sa mère. Puisque sa mère ne parvient pas à dénoncer les violences que lui inflige son mari, Mercedes va rompre le silence. Le thème des violences conjugales abordé sans détour dans un texte à destination des lecteurs débutants.
Extrait
– Mercedes, tu m’écoutes ?
Mais oui, elle écoute...
Pas la peine d’insister.
– Ouh, ouh... Mercedes, tu es avec nous ? J’aimerais que tu me regardes. Bien sûr qu’elle est là, où veut-elle qu’elle soit ?
Elle est bien là, dans la classe, dans la rangée à côté de la fenêtre.
Devant elle, Solenne en profite pour inspecter son nez au cas où une crotte à savourer lui aurait échappé depuis la précédente. À la table derrière, elle entend le souffle d’Oscar qui glougloute comme une cafetière.
Il ne peut pas s’en empêcher.
Elle voit les autres qui rigolent en douce ou qui recopient dans leurs cahiers, le texte noté au tableau.
Elle relit dans sa tête cette poésie que la maîtresse a décidé de leur faire apprendre.
Elle la connaît déjà par cœur mais elle sait qu’on ne lui demandera pas de la réciter.
– Mercedes ? Je te parle !
Elle peut toujours s’énerver, la Marie-Christine, elle ne cédera pas ! Elle le sait bien pourtant, cette cruche, qu’elle déteste son prénom.
De toute façon, ça ne sert à rien de parler !
Elle a dix ans et se débrouille très bien depuis six ans pour ne jamais rien dire. Personne ici, depuis qu’elle est entrée au Centre n’a jamais entendu le son de sa voix, et c’est très bien ainsi, pense-t-elle.